Quand et comment observer les Perséides en 2024 ?

4 août 2024 Non Par Karl Antier

Comme tous les ans, aux alentours du 12 août, des milliers de paires d’yeux se lèvent vers le ciel pour essayer de profiter au maximum des célèbres « Nuits des étoiles filantes ». Si la désignation est populaire pour les aoûtiens du ciel, les astronomes parlent eux d’un bien moins poétique « maximum d’activité de la pluie météorique des Perséides ». Car contrairement à une idée reçue, ce n’est la seule période de l’année où l’on peut observer des météores* (synonyme d’étoiles filantes*). Ces derniers peuvent être observés toute l’année, et à n’importe quelle heure de la nuit ! Mais il est des périodes où ils sont bien plus nombreux. C’est le cas aux alentours du 12 août (avec la pluie des Perséides), mais également vers le 14 décembre (avec les Géminides) ou le 3 janvier (avec les Quadrantides). L’année 2024 promet d’être une bonne année pour les Perséides, car le Premier Quartier de Lune se couchera en milieu de nuit lors des nuits entourant le (ou les) pic(s).  A condition de respecter certaines consignes pour optimiser vos vœux et que les conditions météorologiques soient de la partie !

Figure 1- Compilation de 69 Perséides enregistrées dans la nuit du 12 au 13 août 2017 par la station vidéo de May-sur-Orne de Stéphane Jouin. Crédit : Stéphane Jouin, BOAM

Les Perséides : des poussières de comète

Les étoiles filantes sont l’éphémère témoignage lumineux qu’une poussière interplanétaire (appelée météoroïde*, dont les dimensions ne dépassent pas quelques micromètres ou millimètres pour la majorité d’entre eux) vient de pénétrer dans l’atmosphère terrestre à très grande vitesse (entre 12 et 72 km/s). Si la Terre rencontre des zones du Système solaire où la densité de poussières est plus importante, il en résulte logiquement une augmentation du nombre d’étoiles filantes visibles. Or, il se trouve que le noyau des comètes*, ces « boules de neige sale » issues des confins gelés du Système solaire, a une surface glacée. A leur approche du Soleil, ces glaces se subliment (elles passent de l’état solide à l’état gazeux sans passer par l’état liquide) lorsqu’elles sont exposées au rayonnement de notre étoile. Elles libèrent ainsi sur leur passage les particules de roches qu’elles contenaient, formant un nuage de poussières qui se dispersent lentement. Lorsque la Terre traverse ces nuages de météoroïdes, elle rencontre plus de particules, et le nombre d’étoiles filantes augmente donc en proportion.

Figure 2- La comète 109P/Swift-Tuttle photographiée en 1992 par Herman Mikuz (Observatoire Crni Vrh, Slovénie). Crédit : cometography.com

 

Vous ne l’avez probablement pas remarqué, mais c’est précisément ce qui se passe depuis le 17 juillet. Aux environs de cette date, la Terre commence à croiser la trajectoire des premières particules issues d’une comète longue période (elle revient à proximité du Soleil, et donc de la Terre, tous les 133 ans environ) appelée 109P/Swift-Tuttle (Figure 2). Des rencontres à près de 59 km/s (plus de 210 000 km/h !) qui ont pu donner naissance aux premières Perséides de l’année ! Depuis mi-juillet, la Terre s’enfonce de plus en plus profondément dans le nuage de météoroïdes libérés du noyau de cette comète depuis plusieurs centaines, voire plusieurs milliers d’années.

Figure 3- Schéma de la traversée par la Terre du nuage de météoroïdes libérés par la comète 109P/Swift-Tuttle. Crédit : IMO, AMS

Conséquence directe : depuis mi-juillet, l’activité des Perséides ne cesse de grimper. Jusqu’au moment, aux alentours du 12 août, où notre planète sera au plus profond du nuage de poussières (Figure 3). A cet instant, le ZHR* pourrait atteindre 70 à 100, ce qui signifie que dans des conditions parfaites, un observateur pourrait observer 70 à 100 étoiles filantes par heure. Comme ces conditions parfaites sont difficiles (pour ne pas dire impossibles) à réunir (présence de Lune, couverture nuageuse, hauteur du radiant, pollution lumineuse, etc.), le nombre de météores réellement observé sera moindre, mais en respectant certains conseils, un observateur peut tout de même espérer capter une cinquantaine de Perséides par heure !

Conseil n °1 : observez en fin de nuit

Comme leur nom l’indique, les Perséides semblent toutes provenir d’une même région du ciel, le radiant*, localisé dans la constellation de Persée. Ceci est dû à un effet de perspective : de même que les passagers d’un véhicule roulant sous la neige ou la pluie auront l’impression que les flocons ou les gouttes proviennent d’un même point (vers lequel le véhicule se dirige), les météores d’une même pluie d’étoiles filantes* sembleront provenir d’une même région du ciel : le radiant, d’où ils semblent « radier ».

Figure 4- Position du radiant des Perséides pendant la nuit du 12 au 13 août, lors du maximum d’activité de la pluie d’étoiles filantes. Crédit : IMO, AMS

Lors du maximum, le radiant des Perséides est localisé dans Persée, constellation dont elles tirent logiquement le nom (Figure 4). Or, en début de nuit, la constellation de Persée (située sous le célèbre « W » de Cassiopée) est très basse sur l’horizon. Et plus un radiant est bas, moins le nombre de météores observés qui en sont issus sera important. Ainsi, à activité égale, un observateur devrait observer 10 à 15 Perséides en début de nuit, contre 60 à 80 en fin de nuit ! Le radiant va ensuite gagner de la hauteur tout au long de la nuit, pour culminer à l’aube (Figures 5a à 5c)Une des premières consignes à respecter est donc d’observer en seconde moitié de nuit, même s’il est plus agréable de prolonger une soirée sous les étoiles que de se lever très tôt le matin !

Qui plus est, le 12 août 2024, la Lune sera sous forme d’un Premier Quartier : elle sera levée en début de nuit, et se couchera en milieu de nuit. Comme la luminosité de notre satellite naturel a tendance à effacer les étoiles les moins brillantes du ciel, elle gomme également les étoiles filantes les plus faiblardes… qui sont aussi les plus nombreuses ! Ainsi, un observateur qui observerait 50 étoiles filantes par heure sous un ciel sans Lune verrait ce chiffre descendre à… 15 météores par heure dans les mêmes conditions, mais avec une Lune présente dans le ciel. Dans la nuit du 12 au 13 aoûts, l’astre des nuits disparaîtra sous l’horizon vers minuit, heure locale). Une deuxième raison pour privilégier la seconde moitié de nuit !

Radiant haut dans le ciel et absence de Lune : les Perséides sont des météores qui s’observent mieux en seconde moitié de nuit !

Conseil n°2 : cherchez des cieux bien noirs

Le deuxième conseil consiste à essayer d’observer sous les cieux les plus sombres et avec l’horizon le plus dégagé possibles. Car même si les Perséides semblent provenir de Persée, elles peuvent en réalité apparaître n’importe où dans le ciel, et il est même déconseillé de centrer son champ de vision sur cette constellation. Évitez également tout point lumineux artificiel (lampadaire, phare, éclairage artificiel, etc.). Comme pour la Lune, ces sources lumineuses vont faire disparaître du ciel les étoiles – et donc les météores – les moins lumineux. Mais s’il est compliqué de faire disparaître la Lune, on peut par contre optimiser l’absence de sources de lumières anthropiques, car plus le ciel sera noir, plus vous verrez de météores ! Si vous pouvez observer en pleine campagne, voire en montagne, c’est parfait. Si vous ne pouvez sortir d’une ville ou d’un village, ne désespérez pas, mais évitez toutefois d’être en contact direct avec une quelconque source de lumière. Et si vous devez utiliser une lampe, teintez-la avec un filtre rouge : elle vous éblouira bien moins qu’une lumière blanche.

Conseil n°3 : installez-vous confortablement

Comme pour tout, si vous voulez admirer les Perséides sans grelotter ou sans risquer un torticolis, installez-vous confortablement. Un tel confort ne demande pas la mobilisation de moyens extraordinaire, puisqu’un tapis de sol ou une chaise-longue (pour éviter les torticolis) et une couverture (pour éviter de grelotter, car les nuits peuvent être fraîches, même en été) peuvent déjà parer à éliminer la plupart des raisons qui pourraient vous pousser à abréger vos observations. Une lampe rouge, quelques boissons et un peu de nourriture peuvent également être les bienvenus après plusieurs heures passées sous le ciel !

Conseil n°4 : restez concentrés

C’est l’été. Il fait beau, les braises du barbecue sont encore chaudes, et les chamallows grillent sur la plage pendant qu’une guitare raisonne, entre discussions et éclats de rire. Et si on agrémentait le tout d’étoiles filantes ? Si cette situation peut faire rêver, elle est cependant non-optimale pour ceux qui veulent réellement observer les Perséides. Observer dans ces conditions n’empêchera pas d’observer les Perséides, il réduira surtout leur nombre de manière conséquente.

Tout d’abord parce que ces situations se retrouvent généralement en première moitié de nuit, qui, comme nous l’avons vu, n’est pas optimale pour l’observation des Perséides. Mais également parce leur observation requiert de la concentration. Si les météores les plus lumineux sont facilement visibles, même sans grosse attention, les plus faibles eux, nécessitent d’avoir les yeux rivés vers le ciel le plus continument possible. En respectant ces consignes, vous vous apercevrez rapidement que le nombre d’étoiles filantes observées va considérablement augmenter par rapport à vos amis qui écoutent une énième version de « Jeux interdits » à la guitare…

Jusqu’à une Perséide par minute en fin de nuits du 11 au 12 et du 12 au 13 août…

Reste dès lors à choisir sa nuit d’observation. En 2024, le maximum d’activité « classique » (le moment où la Terre est au plus profond du nuage de météoroïdes libérés par 109P/Swift-Tuttle) des Perséides est attendu le 12, entre 09h TU et 21h TU (soit le 12, entre 11h et 23h, heure locale française) : il aura donc lieu en plein jour, ou en début de nuit du 12 au 13 août, pour la France, ce qui ne nous est pas très favorable dans l’absolu. Néanmoins, l’activité des Perséides reste forte plusieurs dizaines d’heures avant et après le pic. Qui plus est, des sursauts d’activité, parfois prévus (comme en 2016) ou inattendus (comme en 2021), peuvent avoir lieu, ce qui promet donc d’intéressantes observations en fin de nuits du 11 au 12, et du 12 au 13 août 2024. Ceux qui ne peuvent consacrer que le strict minimum à cette pluie de météore  au devraient donc se concentrer sur la deuxième moitié de ces deux nuits. Dans des conditions favorables, ce sont près d’une Perséide par minute en moyenne qui devrait être observable. Même s’il peut se passer plusieurs minutes sans aucun météore, avant qu’ils n’arrivent par bouffées de deux à quatre en quelques dizaines de secondes !

… et des pics additionnels à surveiller !

En plus de ce pic principal « classique », des pics additionnels pourraient être observés. Jérémie Vaubaillon (IMCCE/Observatoire de Paris) prévoit notamment que la Terre traverse cinq nuages de particules (Figure 6) libérées il y a très longtemps (en -68, 59, 569, 698 et 1079, soit plus de 1 300 ans pour 4 d’entre eux !) le 12 août, entre 04h et 11h TU (06h et 13h, heure locale française), ce qui pourrait être une source complémentaire d’activité en toute fin de nuit du 11 au 12 août. Les taux d’activité associés à ces nuages sont compliqué à anticiper, mis il sera dans tous les cas très intéressant de voir ce qui se passe à ce moment, car ce phénomène, dont l’horaire favorise les observations depuis l’Europe et la France métropolitaine, est relativement rare, et peut-être à l’origine de jolies surprises.

Figure 6- Nuages de particules issus des retours au périhélie de 109P/Swift-Tuttle en -68, 59, 569, 698 et 1079, au voisinage de la Terre en 2024. La ligne orange représente la trajectoire de la Terre vue depuis le Nord du Système solaire, et les points noirs la modélisation des nuages de météoroïdes. Les coordonnées en X et en Y sont en UA (Unités Astronomiques). Crédit : Jérémie Vaubaillon, IMCCE

D’après Peter Jenniskens, un fin filament de météoroïdes pourrait également être rencontré le 12 août, vers 09h TU (11h, heure locale française), juste avant le pic principal, engendrant une activité complémentaire pouvant augmenter le ZHR de 10 à 20. N’oubliez pas que les nuits entourant le maximum d’activité sont également des nuits où l’activité est exceptionnellement forte, même si elle n’est pas maximale. Ainsi, les fins de nuits du 10 au 11 et du 13 au 14 août devraient largement valoir le coup de passer quelques heures le nez pointé vers les étoiles. De quoi optimiser votre collecte de vœux en observant ces poussières de comète entrer dans l’atmosphère de notre planète à plus de 210 000 km/h, et disparaître en quelques fractions de seconde dans un flash de lumière, fin éclatante d’un voyage interplanétaire de plusieurs centaines, voire dizaine de milliers d’années…

Liens

Lexique

  • une pluie d’étoiles filantes est l’ensemble des météores associés à un nuage de météoroïdes issus d’une même source (comète ou astéroïde)
  • une comète est un objet constitué de roches et de glaces généralement localisé aux confins du Système solaire, mais qui peut se rapprocher périodiquement du Soleil. En s’en rapprochant, les glaces de la surface du noyau se subliment, entraînant avec elles les poussières qu’elles contiennent. Ce qui donne naissance aux queues de gaz et de poussières caractéristiques de ces objets.
  • un météore (ou étoile filante) est le trait lumineux observé lorsqu’une poussière interplanétaire ou un petit météoroïde pénètre dans l’atmosphère terrestre à très grande vitesse (entre 12 et 72 km/s)
  • un météoroïde est une petite particule de quelques millimètres à quelques dizaines de centimètres de diamètre qui se déplace dans l’espace. C’est elle qui donne naissance au météore si elle a la chance de pénétrer dans l’atmosphère de la Terre. Si le météoroïde est suffisamment massif, une partie de l’objet peut résister à cette entrée dans l’atmosphère, et donner naissance à une météorite.
  • une météorite est le caillou rocheux ou métallique qui est retrouvé sur terre, lorsqu’une partie d’un météoroïde suffisamment massif a réussi à traverser l’atmosphère et arriver au sol.
  • le radiant d’une pluie d’étoiles filantes est le point de la voûte céleste d’où semble provenir, par effet de perspective, les météores issus d’une même pluie.
  • le ZHR (Zenithal Hourly Rate, ou Taux Horaire Zénithal) est le nombre de météores que pourrait observer un individu dans des conditions d’observations parfaites : ciel bien noir et radiant localisé au zénith.  août.