La classification des météorites

Deux grandes catégories de météorites…

Les météorites se rangent en deux grandes catégories, suivant qu’elles sont issues d’un matériau soumis ou non à la différenciation. Une météorite formée à partir d’un matériau qui n’a pas fondu dans son ensemble depuis les débuts de l’accrétion aura conservé une composition chimique proche du celle du gaz et des grains qui constituaient le disque protoplanétaire, c’est-à-dire proche de celle de la météorite d’Orgueil. Une telle météorite, dite « primitive » sera une précieuse source d’information sur le disque et sur les événements qui s’y déroulaient. À l’opposé, un basalte issu de la surface d’un corps planétaire ou une météorite de fer issue de son noyau ont des compositions chimiques très différentes dans lesquelles certains éléments sont très appauvris : le matériau qui les constitue a perdu la mémoire de son origine. On dit qu’il est « différencié » : il ne peut plus nous renseigner sur les premiers instants du Soleil et de son cortège planétaire que de manière indirecte. En revanche, il est une précieuse source d’information sur la géologie et l’évolution interne des corps planétaires.

…mais une frontière pas si franche…

En première approximation, il est plus simple de penser que certains corps planétaires ont fondu dans leur ensemble et se sont différenciés, et d’autres non. La réalité est sans nul doute plus complexe : il est par exemple possible que l’accrétion de certains corps se soit poursuivie alors que leur partie interne s’était déjà différenciée. Par ailleurs, certains corps (ou certaines parties de corps) semblent avoir amorcé leur différenciation sans que celle-ci soit arrivée jusqu’à complétion. Leur composition chimique va alors avoir très peu évolué par rapport à la composition solaire. Ce cas est illustré par les acapulcoïtes et les lodranites, deux familles très proches d’un point de vue minéralogique et isotopique, mais dont seule la première a conservé une composition « solaire » tandis que la seconde a perdu une partie de son fer. Par ailleurs, les liens génétiques entre une famille de météorites primitives (les chondrites à enstatite) et une famille de météorites différenciées (les aubrites) chimiquement et minéralogiquement très proches restent également incompris à l’heure actuelle.

Figure 1- Tranche de la chondrite Bali (CV3), tombée en Afrique Centrale le 22 novembre 1907.
On distingue de nombreux chondres (particules sphériques blanchâtres ou grisâtres) et inclusions réfractaires (particules irrégulières, blanches ou gris pâle) enchâssés dans une matrice sombre à grain fin.
5 cm x 7 cm – 13,6 g.
Collection : Muséum national d’Histoire naturelle.
© Le Règne Minéral, photo L.-D. Bayle.

De rares météorites primitives…

Les météorites primitives présentent des caractéristiques uniques directement héritées du disque protoplanétaire. Leur matière est constituée de l’accumulation de particules initialement présentes dans le disque (Figure 1) : (1) des particules sphériques issues de la cristallisation de gouttelettes de taille millimétrique dont l’origine reste mal comprise : les « chondres » (du grec χονδρος – « khondros », petit grain), objets auxquels cette catégorie de météorites doit le nom de « chondrites » ; (2) des grains de métal ; (3) des particules riches en aluminium et calcium dites « inclusions réfractaires » qui seraient les premiers objets condensés à l’intérieur du disque lui-même. (4) Tous ces composants formés à haute température sont sertis dans une « matrice » à grain fin que l’on peut en première approximation considérer comme le reliquat de la poussière micrométrique présente dans le disque au moment de la formation du Soleil. Chacun de ces composants indiqués sur les figures 1 et 2 est une source unique d’information sur la nature du disque protoplanétaire et sur les processus physico-chimiques qui s’y déroulaient. Par exemple, la datation des inclusions réfractaires, considérées comme les premiers objets formés dans le Système solaire, permet d’estimer l’âge du Soleil à 4,568 milliards d’années plus ou moins 200 000 ans !

Figure 2- Détail d’une lame mince de 30 μm d’épaisseur de la chondrite Kainsaz (CO3).
Champ de vue : 2,6 mm x 2 mm.
En haut (a) : lumière transmise.
Les zones transparentes correspondent aux ensembles cristallins laissant passer la lumière – typiquement des chondres ou fragments de chondres. Ces unités sont petites dans une CO : le chondre sphérique pointé par la flèche du milieu mesure 175 μm de diamètre.
Les zones opaques correspondent aux minéraux opaques ou à la matrice constituée de grains de taille micrométrique empilés qui ne laissent pas passer la lumière.
En bas (c) : lumière réfléchie.
Les silicates apparaissent gris, le métal blanc et le sulfure beige rosé. Cette image permet de repérer les minéraux opaques.
Sur la vue du milieu (b), les deux lumières sont superposées. Par rapport à la vue (a), cela permet de distinguer lorsque les zones opaques sont dues à la présence de minéraux opaques ou bien à celle de matrice qui diffuse la lumière. Quelques zones de matrice sont indiquées.
© B. Zanda (MNHN)

… et de plus communes météorites différenciées !

Les matériaux fondus dont sont issues les météorites différenciées n’ont préservé qu’une fraction de l’information héritée du disque. Mais leur étude nous renseigne sur les processus qui se déroulent à l’intérieur des corps planétaires qui se sont différenciés, y compris la Terre. En effet, nous n’avons sur l’intérieur de la Terre que des informations indirectes reposant notamment sur l’étude de la propagation des ondes sismiques et la modélisation. Les données issues des météorites constituent une précieuse autre source d’information par les analogies qu’elles permettent : météorites de fer (noyau), pallasites (noyau/manteau), mais aussi chondrites (composition planétaire globale).

Les critères pétrologiques de classification

Les deux grandes catégories de météorites (primitives/différenciées) sont subdivisées en groupes sur la base de critères pétrologiques, chimiques et isotopiques (Figure 3) dont on admet généralement que les échantillons qui les constituent, ont une origine commune : un même corps parent ou une même famille de corps parents. Sur la base de la variabilité de ces critères, et notamment de la chimie des météorites de fer, on évalue qu’au moins une centaine de corps planétaires différents sont représentés dans nos collections de météorites : pour l’essentiel il s’agirait d’astéroïdes, mais la Terre reçoit aussi des météorites en provenance de la Lune et de Mars.
À côté de ces caractéristiques primaires directement héritées du disque protoplanétaire, les météorites portent les traces des processus géologiques secondaires qui se sont déroulés sur les corps dont elles sont issues : (1) métamorphisme thermique : à défaut de produire une quantité de chaleur suffisante pour déclencher la fusion interne de la planète, la désintégration des noyaux radioactifs qu’ils contiennent va chauffer l’intérieur de ces corps et y induire des transformations minérales ; (2) altération des minéraux liés à la circulation de fluides qui trouvent leur origine dans la fusion de grains de glace figurant parmi les poussières constitutives de la matrice ; (3) chocs résultant des impacts qui se produisent à la surface des corps parents et produisent dans les roches des échauffements ponctuels très intenses et des fractures. Les caractéristiques relevant de ces processus secondaires sont, elles aussi, utilisées pour comparer entre elles les différentes météorites et les classifier.

Figure 3- Les principaux groupes de météorites primitives et différenciées, subdivisés sur la base de critères pétrologiques, chimiques et isotopiques. On considère généralement que les échantillons qui composent ces groupes ont une origine commune.
D’après B. Zanda, 2021.