Géminides, dernier grand spectacle de l’année

10 décembre 2022 Non Par Karl Antier

2022 ne sera pas l’année des Géminides car la Lune gibbeuse décroissante sera omniprésente une grande partie de la nuit. Cependant, avec un ZHR avoisinant 150, cette pluie météorique est la plus active de l’année, dépassant l’activité des Perséides (en août) et des Quadrantides (en janvier). Conditions idéales ou pas, il serait dommage de manquer l’un des plus grands spectacles météorique de l’année 2022 !

Géminides : une pluie météorique stable et active

Figure 1- L’astéroïde (3200) Phaéton observé en radar par Arecibo, lors de son dernier passage au périhélie, en décembre 2017. Crédit: Arecibo/NASA/NSF

Les Géminides sont plutôt méconnues du grand public, mais ce manque d’information est quasi-exclusivement lié à leur période d’activité hivernale, qui s’étend du 4 au 17 décembre, et qui a tendance à effrayer les plus frileux ! Car sur le papier, c’est bel et bien la plus active et la plus régulière des pluies d’étoiles filantes*, associée au nuage de poussières brusquement libérées par la comète* inactive (3200) Phaéton (Figure 1) lors d’un dégazage fatal suite à une modification d’orbite il y a environ 2 000 années (Figure 2). Avec un ZHR* proche de 140-150 en ce moment lors du maximum, elle surpasse sans souci les Quadrantides (ZHR maximum compris entre 90 et 120, mais de 45 seulement cette année) et même les Perséides (ZHR d’environ 50 cette année lors du pic principal). De plus, son ZHR varie très peu d’une année sur l’autre, ce qui n’est pas le cas des deux pluies citées précédemment, pour lesquelles le ZHR peut parfois doubler lors de deux années successives.

Figure 2- Nuages de météoroïdes donnant naissance à la pluie des Géminides. Crédit: MeteorShowers.org

(3200) Phaéton, une source inhabituelle de météoroïdes

Une des spécificités des Géminides, outre leur forte activité, tient à leur origine. La plupart des pluies d’étoiles filantes voient leur source dans une comète, dont l’activité à l’approche du Soleil (et donc de la Terre) se manifeste par une forte libération de gaz et de poussières (les météoroïdes). Dans le cas des Géminides, le corps à l’origine de la pluie est l’astéroïde géocroiseur de type Apollo (3200) Phaéton. Cet objet de 5 km de diamètre a été découvert en 1983 ; bien que classé comme un astéroïde, il a des périodes d’activité irrégulières le rapprochant d’une comète (Jewitt et al, 2019). L’origine de Phaéthon est encore très discutée, il est possible que ce soit un objet cométaire provenant du Système solaire externe dont l’orbite aurait évolué vers celle d’un astéroïde suite à un rapprochement avec la Terre ou Vénus (Ryabova, G 2019) . Cependant plusieurs études suggèrent une origine astéroïdale liée par exemple à Pallas (De León et al 2010) ou à (155140) 2005 UD (Devogèle, M et al 2019). Les modèles dynamiques actuels (Ryabova, G 2019) suggèrent que les Géminides proviennent d’une éjection massive de matière il y a 2 000 ans suite à une collision ou un effondrement d’une partie de Phaéton. Cette éjection ancienne produit cette belle pluie d’étoiles filantes très régulière d’une année à l’autre.

20 à 30 Géminides par heure dans la nuit du 13 au 14 décembre

La pluie de météores des Géminides est une des plus faciles à observer ! Si le grand public à tendance à observer les Perséides en soirée, vacances obligent, ces dernières sont bien plus nombreuses en fin de nuit. De même pour les Quadrantides, qui ne sont observables dans de bonnes conditions qu’en fin de nuit. Le radiant* des Géminides, localisé, comme son nom l’indique, dans la constellation des Gémeaux, tout près de l’étoile Castor (alpha Gem), se lève en début de nuit (Figure 3). Les Géminides sont donc observables toute la nuit, et seront au mieux placées vers 2h (heure locale), lorsque le radiant culminera à près de 70° de hauteur.

Figure 3- Position du radiant des Géminides, du 5 au 20 décembre. Le nom de cette pluie de météores est associé à la constellation des Gémeaux, dans laquelle elle est localisée. Crédit image : International Meteor Organization

Cette année, le maximum est prévu le 14 décembre, vers 13h TU. C’est donc dans les nuits du 13 au 14 et du 14 au 15 que les taux horaires devraient être maximum. Cependant, la Lune gibbeuse décroissante sera une gêne majeure pendant une grande partie de la nuit, puisqu’elle se lève vers 22-23 h lors des nuits précitées. Il peut ainsi paraître intéressant d’observer avant qu’elle ne se lève, lorsque les nuits sont bien noires, mais le radiant n’est alors pas très élevé dans le ciel (sa hauteur n’a alors pas atteint 30°), et le nombre de Géminides sera réduit. Il faudra donc probablement faire avec notre satellite naturel, et limiter au maximum son impact sur les observations.
Pour ce faire, la pureté du ciel sera déterminante puisque le moindre voile nuageux, brumeux ou d’aérosols amplifiera les nuisances lumineuses sélènes. De plus, pour éviter son impact direct et la fatigue qu’elle peut occasionner, il est important de la masquer avec un relief, un bâtiment, ou un objet. Dans de bonnes conditions, ce sont 20 à 30 Géminides par heure qui devraient être observables en milieu de nuit.

Conseils pour observer les étoiles filantes des Géminides

Mais pour cela, les précautions d’usage seront de mise !

  1. observer loin des villes, des sources artificielles de lumière, afin de réduire au maximum la pollution lumineuse, et sous un  ciel le plus pur possible pour limiter la diffusion de la lumière lunaire.
  2. se couvrir ! La nuit, en hiver, les températures sont frigorifiques. Et si le froid vous envahit, vous serez plus concentrés sur vos doigts de pieds congelés et votre lit chaud que sur les étoiles filantes. Couvrez-vous comme si vous alliez aux sports d’hiver. Et ne vous inquiétez pas pour votre style, la nuit, personne ne vous verra !
  3. s’installer confortablement. La position idéale pour observer les Géminides, c’est d’être allongé. Une chaise-longue et un oreiller sont un excellent investissement pour cela !
  4. rester concentré : tous les météores ne sont pas très brillants. La majorité sont même peu lumineux. Il faut donc rester très concentré sur le ciel pour espérer les détecter en nombre,
  5. bien diriger son regard. Même si les Géminides, comme leur nom l’indique, semblent provenir de la constellation des Gémeaux, elles peuvent en réalité apparaître partout dans le ciel. En 2022, il faudra cependant éviter de mettre la Lune dans votre champ de vision. L’idéal sera donc de centrer son regard dans la direction du Taureau, ou de Persée.
  6. essayer de trouver une zone non-couverte par les nuages. Ce qui risque d’être la plus grosse difficulté de cette année 2022 (Figure 4)…

Figure 4- Prévisions de la couverture nuageuse le 14 décembre 2022, à 6h locales. Crédit: Windy

Bonne chasse aux poussières d’astéroïdes !

Liens

Lexique

  • une pluie d’étoiles filantes est l’ensemble des météores associés à un nuage de météoroïdes issus d’une même source (comète ou astéroïde)
  • une comète est un objet constitué de roches et de glaces généralement localisé aux confins du Système solaire, mais qui peut se rapprocher périodiquement du Soleil. En s’en rapprochant, les glaces de la surface du noyau se subliment, entraînant avec elles les poussières qu’elles contiennent. Ce qui donne naissance aux queues de gaz et de poussières caractéristiques de ces objets.
  • un météore (ou étoile filante) est le trait lumineux observé lorsqu’une poussière interplanétaire ou un petit météoroïde pénètre dans l’atmosphère terrestre à très grande vitesse (entre 12 et 72 km/s)
  • un météoroïde est une petite particule de quelques millimètres à quelques dizaines de centimètres de diamètre qui se déplace dans l’espace. C’est elle qui donne naissance au météore si elle a la chance de pénétrer dans l’atmosphère de la Terre. Si le météoroïde est suffisamment massif, une partie de l’objet peut résister à cette entrée dans l’atmosphère, et donner naissance à une météorite.
  • une météorite est le caillou rocheux ou métallique qui est retrouvé sur terre, lorsqu’une partie d’un météoroïde suffisamment massif a réussi à traverser l’atmosphère et arriver au sol.
  • le radiant d’une pluie d’étoiles filantes est le point de la voûte céleste d’où semble provenir, par effet de perspective, les météores issus d’une même pluie.
  • le ZHR (Zenithal Hourly Rate, ou Taux Horaire Zénithal) est le nombre de météores que pourrait observer un individu dans des conditions d’observations parfaites : ciel bien noir et radiant localisé au zénith.