L’origine de 90% des météorites enfin révélée !

1 novembre 2024 Non Par Karl Antier

Les géologues définissent des ères géologiques pour les astres du Système solaire dont la géologie évolue. La Terre est ainsi au Cénozoïque depuis 66 millions d’années. Depuis 3,2 milliards d’années, la planète Mars est quant à elle dans l’ère Amazonienne. Et si les météorites étaient quant à elles entrées dans l’ère Massalienne il y a 470 millions d’années ? C’est ce qu’on pourrait désormais imaginer grâce aux dernières découvertes réalisées par une équipe internationale menée par un trio de chercheurs dont Pierre Vernazza (Aix Marseille Université, CNRS, CNES, LAM, Institut Origines, Marseille), qui collabore également au programme FRIPON/Vigie-Ciel.

La mystérieuse origine des météorites

En trois publications (voir Sources ci-dessous), les météorites d’origine connue sont passées de 6% de celles retrouvées à… 90% ! L’exploit est de taille, et met non seulement en évidence les astéroïdes géniteurs des météorites, mais également les processus au sein du Système solaire et de la ceinture d’astéroïdes qui ont rythmé l’histoire des météorites depuis la naissance du Système solaire.

Figure 1- La météorite de Saint-Pierre-le-Viger, tombée en Normandie le 13 février 2023, est une chondrite de type L, soit le type le plus représenté dans les chutes de météorites. D’après cette nouvelle étude, elle serait donc associée à la famille de l’astéroïde (20) Massilia, et à un impact ayant eu lieu à sa surface il y a 40 millions d’années. Crédit : Museum National d’Histoire Naturelle

Car jusqu’à ces trois publications, les 6% de météorites retrouvées (sur les 70 000 répertoriées) et d’origine identifiée étaient des achondrites et provenaient de trois astres : la planète Mars, notre satellite naturel, la Lune et le deuxième plus gros astéroïde de la ceinture principale d’astéroïdes, (4) Vesta. Pour les 94% restant, dont le gros contingent est composé de chondrites ordinaires, la source était inconnue. Mais une de leur caractéristique tracassait les chercheurs : la plupart des météorites retrouvées sur Terre sont des chondrites, et la majorité d’entre elles sont de type L. Une composition qui diffère radicalement de celle de la majorité des astéroïdes géocroiseurs potentiellement la source de ces mêmes météorites… Ce qui est plutôt contre-intuitif si on imagine qu’elles en sont issues ! Il fallait donc chercher leur source dans des objets plus spécifiques…

37% des météorites associées à (20) Massalia et la famille éponyme d’astéroïdes…

Il y a 470 millions d’années, un astéroïde de dimensions supérieures à 100 km subissait une violente collision… Quelques millions d’années plus tard, plus de 99% des météorites qui arrivaient sur Terre étaient des chondrites ordinaires de type L, et une nouvelle famille d’astéroïdes, dont le plus gros membre est (20) Massalia (astéroïde de type S d’environ 150 km de diamètre), était née. Ce qui explique la datation des météorites qui en sont issues (estimée à 470 millions d’années).

Figure 2- Modèle 3D de l’atéroïde (20) Massalia à partir d’analyses de courbes de lumière de l’astéroïde d’environ 150 km de diamètre. Crédit : Astronomical Institute of the Charles University: Josef Ďurech, Vojtěch Sidorin

Mais l’histoire ne s’arrête pas là. Car l’analyse géochimique des chondrites de type L, qui représente encore aujourd’hui le plus gros contingent de cailloux extraterrestres, montre qu’elles ont été exposées au milieu interstellaire il y a environ 40 millions d’années. Et l’étude de leur orbite semble les lier directement à (20) Massalia : une deuxième collision a donc probablement eu lieu à cette date, donnant naissance à un flux de météoroïdes à la source des chutes actuelles de chondrites de type L, soit 37% des météorites actuellement répertoriées !

…ainsi qu’aux familles des astéroïdes (832) Karin, (158) Koronis…

C’est le même phénomène, mais plus récent, qui a créé les familles d’astéroïdes de type S associées aux actuels (832) Karin (~20 km de diamètre, Figure 3) et (158) Koronis (~35 km de diamètre, Figure 4). Il y a respectivement 5,8 et 7,6 millions d’années, des impacts créaient ces deux familles d’astéroïdes qui portent le nom de leur membre principal. Les autres fragments ont donné des astéroïdes de plus petites tailles, mais également des météoroïdes en nombre. Ce qui a permis rapidement des collisions entre ces différents débris, encourageant de la sorte leur mise sur orbite « géocroiseuse » et augmentant statistiquement le nombre de chondrites de type H (un peu plus riches en fer) qui leurs sont associées. Et portant également à près de 70% le nombre de météorites dont la source est identifiée.

Figure 3- Modèle 3D de l’atéroïde (832) Karin à partir d’analyses de courbes de lumière de l’astéroïde d’environ 20 km de diamètre. Crédit : Astronomical Institute of the Charles University: Josef Ďurech, Vojtěch Sidorin

Figure 4- Modèle 3D de l’atéroïde (158) Koronis à partir d’analyses de courbes de lumière de l’astéroïde d’environ 35 km de diamètre. Crédit : Astronomical Institute of the Charles University: Josef Ďurech, Vojtěch Sidorin

…(8) Flora et d’autres familles d’astéroïdes !

Les pourcentages restant sont notamment constituées des chondrites de type LL, dont la source identifiée est désormais la famille de (8) Flora ainsi qu’à de multiples autres astéroïdes à la source de météorites plus rares, comme les chondrites carbonées, achondrites, etc. Pour un total de 90% de météorites de source astéroïdale identifiée… Un résultat exceptionnel qui met aussi et surtout en lumière les mécanismes de formation et de dynamique des météoroïdes et petits astéroïdes qui sont potentiellement amenés à rencontrer un jour notre planète. Espérons donc que l’hypothétique ère Massalienne ne prenne pas subitement fin demain…

Sources

  • Source regions of carbonaceous meteorites and NEOs. M. Brož, P. Vernazza, M. Marsset et al. Astronomy and Astrophysics, 13 septembre 2024.
    DOI : 10.1051/0004-6361/202450532
  • Young asteroid families as the primary source of meteoritesM. Brož, P. Vernazza, M. Marsset et al. Nature, 16 octobre 2024.
    DOI : 10.1038/s41586-024-08006-7
  • The Massalia asteroid family as the origin of ordinary L chondritesM. Marsset, P. Vernazza, M. Brož et al. Nature, 16 octobre 2024.
    DOI : 10.1038/s41586-024-08007-6