La météorite italienne du nouvel an a été retrouvée !

6 janvier 2020 Non Par Asma STEINHAUSSER

Une première météorite pour le réseau FRIPON-Vigie-Ciel! Elle a été retrouvée en Italie à l’aide des caméras du réseau italien PRISMA qui fait partie du réseau européen e-FRIPON comme SCAMP au Royaume uni ou MOROI en Roumanie.  En collaboration avec l’équipe PRISMA (http://www.prisma.inaf.it/), une zone de chute d’une météorite a été calculée suite à la détection d’un bolide le 1er janvier à 18:26:54 UT (Figure 1). Après un appel à la population italienne, deux fragments d’une masse totale de 55 g (Figure 2) ont été trouvés par un habitant près de Cavezzo près de la zone de chute calculée

Figure 1 : Le bolide du 01 Janvier 2020, 18:26:54 UT, filmé avec la caméra FRIPON/PRISMA de Loiano (Italie). Crédit : Fripon/Vigie-Ciel
Figure 2 : Les deux fragments retrouvés suite à l’appel à la population, l’aspect est caractéristique d’une météorite fraîche, avec une belle croûte de fusion noire à l’extérieur. Crédit : Media INAF

La détection

Les témoins visuels

Une petite cinquantaine de témoins ont rempli le formulaire de signalement de bolide en ligne mis à disposition par l’American Meteor Society et ses partenaires : l’International Meteor Organization et PRISMA (Italie). Ces signalements ont permis la détermination d’une première estimation de trajectoire du bolide qui indiquait une chute possible aux environs de la ville de Cavezzo dans la province de Modène (Figure 3). Malheureusement, le formulaire n’a pas permis cette fois-ci d’obtenir des enregistrements vidéos du bolide – contrairement à ce qui arrive pratiquement systématiquement sur les chutes de météorites aux Etats-Unis. Notons que la trajectoire obtenue par le réseau FRIPON/PRISMA a confirmé (et précisé) celle obtenue des témoins. Les données des caméras FRIPON-PRISMA permettent en plus de calculer l’orbite et la zone de chute des objets.

Figure 3 : Carte des témoins visuels AMS/IMO/PRISMA et trajectoire estimée du météoroïde

Détection par les caméras du réseau FRIPON/PRISMA

Le réseau FRIPON enregistre en continu les bolides les plus brillants, il permet de lancer des alertes lorsqu’un événement se produit. Il est couplé à un programme permettant de calculer les trajectoires et les orbites pour comprendre l’origine et le devenir de ces objets qui entrent dans notre atmosphère. Le réseau de caméras s’est étendu sur plusieurs pays. Plusieurs autres réseaux se sont organisés en étroite collaboration dans plusieurs pays comme le réseau SCAMP en Angleterre ou le réseau Prisma en Italie. Les données acquises par l’ensemble de ces réseaux sont gérées par l’OSU Pythéas à l’Université d’Aix Marseille ; elles sont analysées par les chercheurs des différents instituts impliqués dans le projet FRIPON et principalement l’Observatoire de Paris. Une thèse sera soutenue en Mars 2020 par un doctorant (Simon Jeanne) sur ce sujet.  Les données recueillies par le réseau PRISMA ainsi que toutes les détections transfrontalières réalisées en Italie et en France sont également stockées et traitées sur le site de l’INAF à Trieste.

C’est le réseau Prisma qui a détecté le bolide le 1er Janvier, 8 caméras ont enregistré le phénomène (Figure 4) dont celle de Loiano (Figure 1).

Figure 4 : Carte des caméras du réseau FRIPON/PRISMA ayant enregistré le phénomène (en vert celles qui l’ont détecté)

En complément des caméras vidéo, le réseau d’observation utilise des récepteurs radio pour traquer les bolides. Le spectrogramme ci-dessous représente les échos radio successifs reçus du radar militaire GRAVES (situé près de Dijon) sur le plasma à haute température entourant l’objet, puis sur la trainée ionisée rémanente dans l’atmosphère.

Figure 5 : Détection radio du bolide du 1er janvier 2020 par la station radio FRIPON de Zicavo en Corse. L’axe horizontal de la figure représente le temps qui s’écoule, et l’axe vertical correspond aux fréquences reçues. La fréquence décroît rapidement (comme celle de la sirène d’une ambulance défilant à grande vitesse), à cause à l’effet Doppler-Fizeau affectant le signal reçu. Crédit : FRIPON/Vigie-Ciel

Les calculs

Les enregistrements des caméras ont ainsi permis de déterminer les paramètres physiques de l’objet. Les calculs réalisés suite à cette détection par le réseau FRIPON/PRISMA ont précisé l’orbite de cet objet (figure 6), sa trajectoire (figure 7) et la zone de chute des météorites.

Figure 6 : Orbite du météoroïde à l’origine de la météorite du 1er janvier 2020 avant son entrée atmosphérique. L’aphélie de cette orbite (le point le plus éloigné du Soleil), à un peu plus de deux unités astronomiques, se trouve dans la ceinture des astéroïdes intérieure dont l’objet est originaire. Crédit : FRIPON/Vigie-Ciel/Simon Jeanne
Figure 7 : Trajectoire atmosphérique du bolide du 1er Janvier 2020 calculée à partir des enregistrements vidéo des caméras du réseau FRIPON/PRISMA. Crédit : FRIPON/Vigie-Ciel

Avant son entrée atmosphérique, le météoroïde à l’origine du bolide avait une masse d’environ 8 kg et il est rentré dans l’atmosphère avec une vitesse d’environ 12 km/s (la plus faible jamais enregistrée par FRIPON – Figure 8) et une inclinaison assez importante de 68° par rapport à l’horizontale, l’ablation a donc été forte malgré la vitesse faible de l’objet.

La masse finale calculée de l’objet est de 150 g. Cependant, un sursaut lumineux (Figure 9) a été enregistré à 32 km d’altitude correspondant à une fragmentation. On a donc pu en déduire que plusieurs morceaux plus petits ou égaux à celui calculé de 150 g ont été engendrés et se sont dispersés selon une ellipse de chute, les objets les plus massifs parcourant la distance la plus grande.

L’altitude finale de 20 km (Figure 10) et l’inclinaison importante ont permis de calculer assez précisément la trajectoire durant la partie du vol sombre (en dessous de 20 km) en tenant compte des vents. Ces données servent ensuite à déterminer la zone de chute des objets.

Figure 8 : Graphique représentant la vitesse du météoroïde en fonction de l’altitude lors de sa rentrée atmosphérique : la vitesse initiale de l’objet était de 12 km/s. Crédit : FRIPON/Vigie-Ciel/Simon Jeanne
Figure 10 : Graphique représentant l’altitude du bolide en fonction du temps ; le bolide est devenu lumineux à environ 75 km d’altitude, et s’est éteint plus de 6 secondes plus tard, alors qu’il était à moins de 20 km au-dessus du sol. Ce graphe nous permet de dire qu’il y a eu un ou plusieurs objets qui ont survécus. Crédit : FRIPON/Vigie

 

Figure 9 : Graphique représentant la luminosité du bolide en fonction de l’altitude : Un sursaut lumineux probablement dû à une fragmentation a été enregistré à 35 km d’altitude. Le sursaut de lumière de magnitude -10 était 10 000 fois plus brillant que l’étoile Véga, l’étoile la plus brillante de l’hémisphère nord. Crédit : FRIPON/Vigie-Ciel/Simon jeanne

La recherche de météorites et les premières découvertes

Un premier article a été publié le 1er Janvier sur le site web du réseau Prisma pour décrire l’événement. Un appel à la population a été lancé le 2 Janvier. Extrait « la zone de chute est autour du village de Disvetro, à quelques kilomètres au nord-ouest de Cavezzo (Modène), au milieu de la vallée du Pô. La zone d’incertitude à 2 sigmas est d’environ 2,2 × 1,5 km. Compte tenu des processus de fragmentation auxquels le météoroïde a été soumis, certains fragments pourraient avoir fini leurs courses à la jonction entre Rovereto sul Secchia et Disvetro». Les habitants de ces villes ont donc été invités à rechercher les météorites autour de chez eux.

L’article publié ensuite le 4 Janvier sur le site du réseau Prisma raconte que l’appel a été entendu. En effet, un habitant de la zone a signalé avoir découvert deux fragments de météorites de 55 g au total dans la province de Modène en bordure de la zone de chute estimée . Une vidéo a également été tournée et publiée sur la chaîne de l’Institut d’Astrophysique de Turin.

Dans cet article, Daniele Gardiol, de l’Institut d’Astrophysique de Turin, qui coordonne le réseau national Prisma se félicite pour cette nouvelle. Elle est en effet le résultat de nombreuses années de travail et de collaboration internationale et européenne entre plusieurs structures de recherche et de médiation scientifique et le grand public.

Du côté français, les responsables du projet FRIPON/Vigie-Ciel (François Colas, IMCCE, Observatoire de Paris ; Brigitte Zanda, MNHN ; Sylvain Bouley, GEOPS, Université Paris Saclay) sont très enthousiastes face à ces premières découvertes et rappellent que ces projets de recherche et de sciences participatives ont aussi pour objectif de sensibiliser les publics sur l’importance scientifique des météorites, de faire en sorte qu’elles ne soient plus perdues après leurs chutes et qu’elles soient analysées par des spécialistes et conservées dans les règles de l’art. C’est ce qui se produit actuellement en Italie, la collaboration entre amateurs et chercheurs promet de belles découvertes !

Et si vous participiez vous aussi à la recherche scientifique ?

Si vous voyez un bolide dans le ciel, signalez-le sur : vigie-ciel.imo.net

Pour suivre l’actualité du projet FRIPON/Vigie-Ciel et être contacté en cas de formation ou de chute dans la région, inscrivez-vous ici

Si vous voulez participer à la recherche de cratères d’impact, connectez-vous sur : vigie-cratere.org

Lexique

un bolide est un météore (synonyme d’étoile filante) très lumineux. On désigne généralement par bolide tout météore plus lumineux que la planète Vénus (l’astre le plus brillant du ciel après le Soleil et la Lune)

un météore (ou étoile filante) est le trait lumineux observé lorsqu’une poussière interplanétaire ou un petit météoroïde*** pénètre dans l’atmosphère terrestre à très grande vitesse (entre 12 et 72 km/s)

un météoroïde est une petite particule de quelques millimètres à quelques dizaines de centimètres de diamètre qui se déplace dans l’espace. C’est elle qui donne naissance au météore si elle a la chance de pénétrer dans l’atmosphère de la Terre. Si le météoroïde est suffisamment massif, une partie de l’objet peut résister à cette entrée dans l’atmosphère, et donner naissance à une météorite.

une météorite est le caillou rocheux ou métallique qui est retrouvé sur terre, lorsqu’une partie d’un météoroïde suffisamment massif a réussi à traverser l’atmosphère et arriver au sol.