Géminides: la pluie de l’Avent

12 décembre 2020 Non Par Karl Antier

Il s’agit d’un des événements astronomiques majeurs de l’année, trop souvent délaissé au profit des Perséides. Pourtant, les Géminides, dont le pic d’activité est attendu ce week-end, sont plus actives et plus faciles à observer que leurs comparses estivales. Et en 2020, la Lune n’importunera pas les courageux observateurs qui braveront les conditions hivernales pour observer ces poussières d’astéroïdes. Conditions météorologiques, qui, cette année, devraient encore jouer avec les nerfs des amateurs d’étoiles filantes !

Pluie de gouttes d’eau contre pluie de météores

Car si la Lune, nouvelle le 14 décembre, laissait présager des conditions d’observation optimales pour les nuits entourant le maximum des Géminides en 2020, les conditions météorologiques vont jouer les trouble-fête, puisque seul un tiers Sud de la France métropolitaine devrait être épargné par les pluies et les nuages dans la nuit du 13 au 14 décembre, lorsque la pluie d’étoiles filantes devrait battre son plein.

Prévisions de couverture nuageuse pour le 14 décembre 2020, vers 01h (locale). Crédit: Windy.

Car cette année, d’après l’International Meteor Organization (IMO, imo.net), le maximum des Géminides est prévu le 14 décembre, vers 01h TU. Soit au beau milieu de la nuit, lorsque le radiant (localisé dans les Gémeaux, d’où leur appellation : RA : 7h 28m Dec : 32°0′) de la pluie météorique est au plus haut ! Qu’espérer de mieux ? Le ZHR des Géminides est actuellement le plus intense de toutes les pluies météoriques annuelles régulières, et son activité est sur une pente ascendante. Une augmentation qui a été observée au cours des 20 dernières années, et qui devrait se poursuivre encore pendant des décennies (Ryabova,G. and Rendtel,J. 2018). Le ZHR avoisinant 150 (contre 80-100 pour les Perséides et 90-120 pour les Quadrantides), il est même possible que les astronomes bénéficiant de bonnes conditions d’observation puissent capter une bonne centaine d’étoiles filantes par heure. La vitesse d’entrée dans l’atmosphère est de 36 km/s (soit 130 000 km/h !).

Position du radiant des Géminides, du 5 au 20 décembre. Le nom de cette pluie de météores est associé à la constellation des Gémeaux, dans laquelle elle est localisée.
Crédit image : International Meteor Organization

Conseils pour observer les étoiles filantes des Géminides

Mais pour cela, les précautions d’usage seront de mise !
1- observer loin des villes, des sources artificielles de lumière, afin de réduire au maximum la pollution lumineuse,
2- se couvrir ! La nuit, en hiver, les températures sont frigorifiques. Et si le froid vous envahit, vous serez plus concentrés sur vos doigts de pieds congelés et votre lit chaud que sur les étoiles filantes. Couvrez-vous comme si vous alliez aux sports d’hiver. Et ne vous inquiétez pas pour votre style, la nuit, personne ne vous verra !
3- s’installer confortablement. La position idéale pour observer les Géminides, c’est d’être allongé. Une chaise-longue et un oreiller sont un excellent investissement pour cela !
4- rester concentré : tous les météores ne sont pas très brillants. La majorité sont même peu lumineux. Il faut donc rester très concentré sur le ciel pour espérer les détecter en nombre,
5- bien diriger son regard. Même si les Géminides, comme leur nom l’indique, semblent provenir de la constellation des Gémeaux, elles peuvent en réalité apparaître partout dans le ciel. Elles seront cependant plus nombreuses à apparaître dans votre champ de vision ou d’appareil photo si vous le centrez sur les têtes de constellations comme le Taureau ou la Grande Ourse.

Géminides : poussières d’astéroïde

L’astéroïde (3200) Phaéton observé en radar par Arecibo, lors de son dernier passage au périhélie, en décembre 2017. Crédit: Arecibo/NASA/NSF

Une des spécificités des Géminides, outre leur forte activité, tient à leur origine. La plupart des pluies d’étoiles filantes voient leur source dans une comète, dont l’activité à l’approche du Soleil (et donc de la Terre) se manifeste par une forte libération de gaz et de poussières (les météoroïdes). Dans le cas des Géminides, le corps à l’origine de la pluie est l’astéroïde géocroiseur de type Apollo (3200) Phaéton. Cet objet de 5 km de diamètre a été découvert en 1983 ; bien que classé comme un astéroïde, il a des périodes d’activité irrégulières le rapprochant d’une comète (Jewitt et al, 2019). L’origine de Phaéthon est encore très discutée, il est possible que ce soit un objet cométaire provenant du Système solaire externe dont l’orbite aurait évolué vers celle d’un astéroïde suite à un rapprochement avec la Terre ou Vénus (Ryabova, G 2019) . Cependant plusieurs études suggèrent une origine astéroïdale liée par exemple à Pallas (De León et al 2010) ou à (155140) 2005 UD (Devogèle, M et al 2019). Les modèles dynamiques actuels (Ryabova, G 2019) suggèrent que les Géminides proviennent d’une éjection massive de matière il y a 2000 ans suite à une collision ou un effondrement d’une partie de Phaéton. Cette éjection ancienne produit cette belle pluie d’étoiles filantes très régulière d’une année à l’autre.

Trois observations de la sonde Parker Solar Probe obtenues le 5 novembre à 14:14 TU, le 6 novembre à 1:43 TU et le 6 novembre à 14:54 TU. Les symboles représentent l’orbite de Phaeton avec un intervalle de 60 min (croix bleues avant le périhélie, points blancs après et losange blanc pour le périhélie). Les symboles sont exclus dans la région où le courant de météoroïdes à l’origine des Géminides est le plus visible. (Battams et al 2019)
Nuages de météoroïdes donnant naissance à la pluie des Géminides. Crédit: MeteorShowers.org

Ce que nous observons aujourd’hui est donc le vestige de cet événement astronomique catastrophique. Même si entretemps, les choses ont évolué. Les particules se sont distribuées en fonction de leur masse le long de l’orbite de (3200) Phaéton. Ceux qui peuvent observer pendant plusieurs nuits détecteront facilement un phénomène intéressant : les Géminides sont moins brillantes (donc les météoroïdes plus petits) la nuit précédent le maximum (12-13/12) qu’après le pic (13-14/12 et 14-15/12). Même si de brillantes Géminides peuvent subvenir à tout moment. Et plus il y a de météores, plus il y a de chances d’en observer !

Statistiques sur les détections de bolides faites par FRIPON durant les 3 premières années de fonctionnement. On constate que le nombre de détections (barres noires) augmente progressivement à mesure que l’installation des stations progresse pour atteindre une moyenne actuelle de 1000 détections par an. Les barres bleues (orange pour janvier) indiquent le nombre d’heures de ciel nocturne dégagé chaque mois, ce qui permet de visualiser l’effet des nuages. On constate que l’observation des Géminides qui ont un pic d’activité court est très impactée par les conditions météorologiques. Les pluies de 2016 et 2019 sont bien détectées (~150 évènements par pluie) alors que celle de 2017 a été complètement occultée par une couverture nuageuse généralisée sur l’Europe. L’extension du réseau FRIPON toujours en cours permettra d’atténuer ces effets météorologiques. Crédit FRIPON – Vigie Ciel (Colas et al 2020).

Bons ciels !

Liens

Lexique

  • une pluie d’étoiles filantes est l’ensemble des météores associés à un nuage de météoroïdes issus d’une même source (comète ou astéroïde)
  • une comète est un objet constitué de roches et de glaces généralement localisé aux confins du Système solaire, mais qui peut se rapprocher périodiquement du Soleil. En s’en rapprochant, les glaces de la surface du noyau se subliment, entraînant avec elles les poussières qu’elles contiennent. Ce qui donne naissance aux queues de gaz et de poussières caractéristiques de ces objets.
  • un météore (ou étoile filante) est le trait lumineux observé lorsqu’une poussière interplanétaire ou un petit météoroïde pénètre dans l’atmosphère terrestre à très grande vitesse (entre 12 et 72 km/s)
  • un météoroïde est une petite particule de quelques millimètres à quelques dizaines de centimètres de diamètre qui se déplace dans l’espace. C’est elle qui donne naissance au météore si elle a la chance de pénétrer dans l’atmosphère de la Terre. Si le météoroïde est suffisamment massif, une partie de l’objet peut résister à cette entrée dans l’atmosphère, et donner naissance à une météorite.
  • une météorite est le caillou rocheux ou métallique qui est retrouvé sur terre, lorsqu’une partie d’un météoroïde suffisamment massif a réussi à traverser l’atmosphère et arriver au sol.
  • le radiant d’une pluie d’étoiles filantes est le point de la voûte céleste d’où semble provenir, par effet de perspective, les météores issus d’une même pluie.
  • le ZHR (Zenithal Hourly Rate, ou Taux Horaire Zénithal) est le nombre de météores que pourrait observer un individu dans des conditions d’observations parfaites : ciel bien noir et radiant localisé au zénith.