Chute possible de météorite dans l’Orne

20 avril 2022 Non Par François COLAS

Dans la soirée du samedi 16 avril 2022, à 20h 37min UTC  (22h 37min temps civil – CET), un bolide a été vu par plus de 200 personnes (Figure 2) qui ont rapporté leurs observations sur le site IMO/Vigie-Ciel. La trajectoire lumineuse du bolide a commencé en Bretagne (Rennes) à 75 km d’altitude, puis s’est terminée en Normandie (Alençon) à 28 km d’altitude. Le bolide a également été vu par 5 caméras FRIPON (Fireball Recovery and InterPlanetary Observation Network) de Nantes, Angers, Le Mans, Rennes et Eastbourne, ainsi que par une caméra BOAM (Base des Observateurs Amateurs de Météores) située à Chinon (Astronomie en Chinonais). Les données des caméras FRIPON et BOAM (Figure 1) ont permis de calculer la trajectoire lumineuse du bolide* et également d’en déduire son orbite et de calculer le vol sombre (« dark flight ») invisible aux caméras. Nous avons enfin déterminé que des fragments sont tombés au nord de la ville d’Alençon.

Figures 1 : Détections par les caméras FRIPON de Rennes (Espace des sciences – Planétarium), du Mans (Université du Maine, LPG), d’Angers (Université d’Angers-LPG), de Nantes (Université de Nantes – LPG), d’Eastbourne (SCAMP) et BOAM de Chinon (Astronomie en Chinonais). Crédits : FRIPON/Vigie-Ciel/AstroChinon/BOAM

 

Figure 2 : Répartition des observateurs visuels ayant envoyé un rapport d’observation sur lesite IMO/Vigie-Ciel. Crédit : IMO/AMS

 

Trajectoire du bolide

La chaîne de calcul du programme FRIPON a permis de calculer la trajectoire lumineuse du bolide (Figure 3).

Figure 3 : Trajectoire du bolide et zone de chute calculées à partir des enregistrements vidéos FRIPON et AstroChinon. Crédit : FRIPON/Vigie-Ciel

Figures 4 : Le météore** a été détecté alors qu’il était entre 75 km et 28 km d’altitude (à gauche), sa vitesse initiale était de 12.6 km/s (au centre), sa luminosité a atteint la magnitude -9 (à droite). Crédit : FRIPON/Vigie-Ciel

Figure 5 : Orbite du bolide déduite de la trajectoire calculée du bolide dans l’atmosphère. Crédit : FRIPON/Vigie-Ciel

 

Table 1 : Paramètres orbitaux et physiques du météoroïde à l’origine du bolide du 16 avril 2022, 20h 37min TU.

 

La vitesse initiale de l’objet est faible (12.6 km/s) (Figure 4a) à comparer, par exemple, aux Perséides (59 km/s). Elle est proche de la vitesse d’entrée des véhicules des missions lunaires Apollo qui était de 11 km/s.  Ce critère est particulièrement important pour la survie d’une météorite****. En effet au delà de 20 km/s, l’ablation (la perte de masse de l’objet) subie lors de l’entrée atmosphérique est fatale. Cette vitesse initiale est la résultante de la somme vectorielle de la vitesse orbitale de la Terre (30 km/s) et de celle du météoroïde***. Pour que cette résultante soit faible, il faut que les vitesses de la Terre et du météoroïde soient proches (module et direction), c’est à dire que les orbites des deux corps soient proches. C’est le cas ici, avec une inclinaison faible sur le plan de l’écliptique de 2.27° et une excentricité peu importante de 0.38. Il faut noter que l’aphélie (le point de l’orbite le plus loin du Soleil) se situe dans la ceinture d’astéroïdes intérieure, entre Mars et Jupiter. 
Enfin ce bolide ne fait pas partie du courant de météores des Lyrides qui est actif au mois d’avril, voir le calendrier de l’IMO.

Chute possible de météorites dans la région d’Alençon (Orne)

Il est possible d’évaluer la masse initiale d’un objet avant qu’il ne pénètre dans l’atmosphère en mesurant sa faible décélération à haute altitude, ici entre 75 et 50 km (Figure 4b). Lorsque son altitude diminue, la pression aérodynamique échauffe  l’air qui environne l’objet et la température atteinte est suffisante pour faire fondre et arracher de la matière à sa surface. L’objet perd de la masse : on parle d’ablation. L’équipe FRIPON a développé un  programme permettant d’ajuster un modèle d’ablation et de freinage (ligne rouge de la Figure 4b). Grâce à ce programme, on peut déterminer la diminution de la masse de l’objet incident résultant de l’ablation, et donc estimer la masse finale qui aura résisté à l’entrée atmosphérique. Dans le cas du bolide du 16 avril, deux calculs ont étés effectués indépendamment par l’équipe FRIPON et par Denis Vida (UWO). Ils donnent des résultats similaires : une masse initiale comprise entre 2 kg et 10 kg et une masse finale entre 50 g et 500 g. L’incertitude de calcul provient principalement de deux inconnues :  la forme initiale et la densité de l’objet. La courbe photométrique (Figure 4c) montre des sursauts qui indiquent une fragmentation. Notre calcul correspond au plus gros objet, on peut s’attendre  pour cet événement à une masse principale d’environ 250 g avec des fragments plus petits comme cela a été le cas pour la chute de Winchcombe en Angleterre.

Pour déterminer la zone de chute il faut calculer les points d’impact d’un grand nombre de particules balayant toutes les valeurs possibles pour chacun des paramètres de notre modèle, en particulier la masse, on appelle cela une méthode de « Monte-Carlo« . 

Fig 6 : zone de chute près d’Alençon (Orne)

La faible inclinaison de la trajectoire implique une zone de chute très allongée (Figure 6) qui mesure près de 30 km de long ! Les fragments les plus lourds (moins freinés) se trouvent à l’est, tandis que les plus légers se trouvent à l’ouest. 
Si vous habitez dans dans la région, dès maintenant soyez attentif aux roches qui vous environnent. Les caractéristiques de l’aspect d’une météorite sont rappelées si dessous.

Premières recherches sur le terrain du 22 au 24 avril

Une petite équipe a commencé à faire un repérage et une prise de contacts vendredi 22 avril. Nous avons rencontré Monsieur Mostefa MAACHI maire de Sées et son équipe municipale que nous tenons à remercier , il nous a permis en particulier d’avoir accès au service du cadastre pour obtenir une liste des propriétaires terriens de la zone de chute. Nous sommes également allés à la Gendarmerie de Sées  pour une information sur notre recherche le jour suivant. Enfin nous sommes allés à la rencontre d’une dizaine d’exploitants agricoles qui nous ont tous autorisé les recherches dans les zones de pâturages, malheureusement une majorité de terrains sont inaccessibles à cause de cultures avancées (colza, blé, et orge principalement). Une cinquantaine d’hectares ont étés scannés, sans résultats, il reste encore de nombreux terrains de recherche.

 

Fig 7 : rendez-vous de Sées le samedi matin

Samedi une équipe de 22 personnes s’est donné rendez vous à Sées (Fig 7) venant de  Perche astronomie, du Groupe astronomique de Querqueville (Manche), de la Société astronomique de Touraine, de la Société astronomique de France, de l’Uranoscope d’Ile-de-France, ainsi qu’une géologue qui enseigne à l’université d’Angers mais qui habite à Sées. Nous avons recherché dans les zones de pâturages (Fig 8).

Fig 8 : recherche sur le terrain

Recherche  sur le terrain du 28 avril

Une recherche a été organisée le 28 avril (Fig 9)  par l’association Perche astronomie  (Michael Leblanc) avec l’Espace des Sciences (Rennes) et le club d’astronomie de Flers.

Fig 9: recherche sur le terrain – 28 avril 2022

 

Cet article sera actualisé en particulier si des campagnes de recherche sont organisées.

Pour des informations plus générales sur cette chute et sur les météorites, consultez la FAQ :   Bolide du 16 avril 2022 – Foire aux Questions

Si vous pensez avoir trouvé une météorite envoyez nous un e-mail à vigie-ciel@mnhn.fr

L’événement vu dans la presse :

 

Lexique

* un bolide est un météore** (synonyme d’étoile filante) très lumineux. On désigne généralement par bolide tout météore plus lumineux que la planète Vénus (l’astre le plus brillant du ciel après le Soleil et la Lune)

**un météore (ou étoile filante) est le trait lumineux observé lorsqu’une poussière interplanétaire ou un petit météoroïde*** pénètre dans l’atmosphère terrestre à très grande vitesse (entre 12 et 72 km/s)

***un météoroïde est une petite particule de quelques millimètres à quelques dizaines de centimètres de diamètre qui se déplace dans l’espace. C’est elle qui donne naissance au météore si elle a la chance de pénétrer dans l’atmosphère de la Terre. Si le météoroïde est suffisamment massif, une partie de l’objet peut résister à cette entrée dans l’atmosphère, et donner naissance à une météorite****

****une météorite est le caillou rocheux ou métallique qui est retrouvé sur terre, lorsqu’une partie d’un météoroïde suffisamment massif a réussi à traverser l’atmosphère et arriver au sol

[1] Stations ayant enregistré le bolide du 16 avril 2022, 20h 37min TU :

  • FRPL01-Nantes
  • FRPL03-Angers
  • FRBR02-Rennes
  • FRPL05-Le Mans
  • ENSE03-Eastbourne (SCAMP-UK)
  • CHI3701- Chinon (BOAM)

Dernière mise à jour : 28/04/2022