Quand les satellites tombent du ciel

5 juillet 2022 Non Par Karl Antier

Rappelez-vous. C’était en janvier dernier, et de nombreux témoins de l’ouest et du centre de la France rapportaient une étrange observation : un fuseau lumineux se déplaçant dans le ciel et se fragmentant au fur et à mesure de son avancée… Le phénomène, impressionnant, n’avait pas résisté à l’analyse : il s’agissait de la rentrée atmosphérique d’un satellite de la tristement célèbre constellation Starlink (société SpaceX), mettant en évidence la forte densité de satellites en panne…

Un semestre plus tard, ils reviennent. Ou plutôt, ils continuent, et sont toujours plus nombreux… Près de 500 satellites sont revenus rejoindre les 1 900 déjà en orbite en début d’année. Et plus de 270 sont tombés en panne. Un manque de fiabilité et d’anticipation illustré notamment, début février, par la perte quasi-simultanée de 40 satellites (sur 49 fraîchement lancés) à cause d’un orage géomagnétique provenant du Soleil.

C’est un autre de ces cadavres de satellites qui a surpris des centaines de curieux (notamment des festivaliers du Hellfest, à Clisson (44)) qui levaient les yeux vers le ciel depuis l’Ouest de la France et la région parisienne (Figure 1), le 27 juin, à 00h 12min TU (soit 02h 12min, heure locale française).

Figure 1- Carte des témoins de la rentrée atmosphérique du satellite Starlink-2023, le 27 juin 2022, à 00h 12min TU. La flèche bleue indique la trajectoire de l’objet déduite des rapports visuels. Noter la forte concentration de rapport au Sud de Nantes associée à la présence de nombreux festivaliers du Hellfest, à Clisson (44). Crédit: Fripon/Vigie-Ciel/IMO

A cette heure, le satellite Starlink-2023 (NORAD = 47605, ID international = 2021-009BK), lancé le 4 février 2021 (à 06h 19min TU) par une fusée Falcon 9 (de la société SpaceX) depuis Cap Canaveral lors de la 18ème salve de satellites Starlink (voir vidéos ci-dessous), venait de rentrer dans l’atmosphère terrestre, agrémentant le ciel de nombreux fragments lumineux, témoins de la destruction de l’objet alors qu’il survolait le territoire français, survolant Nantes et remontant en direction de la région parisienne. Une manifestation de plus de la pollution physique associée à ce projet, dont l’objectif est de mettre près de 40 000 satellites en orbite, et à laquelle s’ajoute une pollution visuelle que craignent et dénoncent actuellement les astronomes du monde entier.

Le décollage de la Falcon 9 qui allait libérer 60 satellites Starlink (dont Starlink-2023) lors du 18ème lancement le 4 février 2021 :

donnant naissance à une traîne de 60 satellites observées depuis la Suisse quelques jours plus tard (le 11 février 2021):

dont l’un d’eux allait rentrer dans l’atmosphère terrestre le 27 juin 2022 :

@juliengranel Paris. On vient de voir ca dans le ciel, qu’est ce que c’est ? #paris #ovni ? Quelqu’un a une explication ? #meteor #sky #nasa ♬ son original – juliengranel

Quelques jours auparavant, le 20 juin 2022 à 22h 30min UT, c’est un autre déchet spatial, bien plus impressionnant, car bien plus massif, qui avait été observé depuis l’Espagne et le Sud-Ouest de la France (Figure 2). Ce dernier n’était cependant pas associé à la constellation de satellites Starlink, puisqu’il s’agissait d’un étage de fusée chinoise CZ-2F (NORAD = 52798, ID international = 2022-060B)qui avait décollé deux semaines plus tôt, le 5 juin (à 02h 44min TU) depuis le centre de lancement de satellites de Jiuqan (Chine) dans le cadre de la mission Shenzou 14.

Figure 2- La traînée associée à la rentrée atmosphérique de l’étage de fusée CZ-2F enregistrée avec une caméra du GTCTelescope, depuis La Palma, aux Canaries, juste avant qu’il ne survole l’Espagne continentale. Crédit: CTGTelescope