Pluie de pierres en Normandie !

14 février 2023 Non Par Asma STEINHAUSSER

L’astéroïde qui nous a rendu visite dans la nuit du 12 au 13 février après avoir annoncé sa venue nous réserve encore des surprises ! Nous pensions au départ que les fragments qui survivraient finiraient leur course dans la Manche ; mais après avoir croisé de nombreuses sources (images des télescopes obtenues plusieurs heures avant l’entrée dans l’atmosphère – à une distance voisine de celle de la Lune ; vidéos de sécurité ; vidéos de nombreux amateurs et données FRIPON), les calculs effectués par Peter Jenninskens (SETI – USA ), Denis Vida (UWO, Canada), Auriane Egal (UWO et Espace pour la Vie, Montréal) et Hadrien Devillepoix (DFN – Australia) ont déterminé une zone de chute probable de météorites entre Dieppe et Doudeville.

A télécharger : Bolide du 13 février 2023 – Foire aux Questions

Le bolide a été observé à 02h59 TU en France mais aussi en Grande-Bretagne, aux Pays Bas et en Belgique, et il a donné lieu à de très belles photos et vidéos. L’entrée atmosphérique annoncée de cet astéroïde (le 7ème de l’Histoire) a laissé le temps aux amoureux du ciel de s’installer et de profiter du phénomène. Josselin Desmars (IMCCE, OBSPM) a fait partie des nombreux témoins préparés à avoir capturé ce moment rare à Paris. Une autre photo magnifique a été prise depuis le Mans par David Legangneux.

Crédit : Josselin Desmars, IMCCE (photo prise depuis Paris)

 

Crédit : David Legangneux, photo prise depuis Le Mans

Observation de la caméra FRIPON du site du planétarium de Ludiver également relais régional du projet FRIPON/Vigie-Ciel. Le bolide est vu sur l’horizon (Crédits FRIPON Vigie-Ciel Ludiver)

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

L’événement a également été observé par de nombreux témoins qui ont déposé un rapport d’observation sur le site de l’AMS/IMO/Vigie-Ciel :

 

Carte des témoins (au 14/02/2023) ayant rapporté leur observation du bolide associé à l’entrée atmosphérique de l’astéroïde 2023 CX1 au-dessus de la Normandie. La flèche bleue est la trajectoire du bolide automatiquement déduite des observations visuelles. Crédit: Vigie-Ciel/IMO/AMS

 

Chute de météorites ?

L’astéroïde a été repéré par plusieurs télescopes près de sept heures avant son entrée atmosphérique, ce qui a permis de le suivre et calculer très précisément son orbite. Les données sont disponibles sur le site de l’IAU . Le célèbre 2023 CX1 est désormais recensé sur le site de la NASA JPL et a sa page Wikipédia.

Les observations ainsi publiées et mises à disposition de la communauté scientifique ont pu être traitées par une équipe du JPL/CalTech, NASA pour déterminer l’orbite de l’astéroïde et le point d’impact en collaboration avec Peter Jenniskens, SETI institute, USA.

La figure ci-dessous présente la trajectoire du bolide (si la Terre n’avait pas d’atmosphère), avec en superposition les localisations des fragmentations de 2023 CX1 (à 40km et 20km). La fragmentation à 40km n’est pas confirmée.

 

Crédit : image de Simon Anghel, IMCCE, OBSPM à partir de données établies par le JPL

 

Plusieurs éléments laissent à penser que des météorites ont pu survivre à cette chute : la masse initiale de l’objet (1,5 tonnes, si on suppose une masse volumique de 3000 kg/m3) pour un objet dont la taille serait de un mètre de diamètre selon les données télescopiques) et la vitesse initiale qui est de 14,5 km/sec également selon les données télescopiques.

L’effervescence grandit auprès des communautés amateurs et professionnelles en France et à l’étranger pour confirmer ces données et les préciser. En exploitant par exemple les données des nombreuses caméras amateures qui ont enregistré l’événement l’équipe de Denis Vida (UWO, Canada) a trouvé des paramètres de chutes semblables à ceux de l’équipe Américaine (SETI et JPL).

 

Détection par le réseau de sismographes français RESIF-RLBP

Lors de l’entrée atmosphérique, l’astéroïde s’est fragmenté à environ 25 km d’altitude. Une quantité colossale d’énergie cinétique a été libérée et une partie de cette énergie s’est dissipée sous forme d’une onde acoustique qui a été entendue par certains témoins et détectée par le réseau de sismographes Français RESIF-RLBP. Cette fragmentation a lieu au moment où le freinage atmosphérique est le plus important. En effet, le freinage atmosphérique est très faible dans la haute atmosphère (au-delà de 70 km) car la pression atmosphérique y est très faible (10^-6 atm à 90 km d’altitude). La pression atmosphérique augmentant de manière exponentielle (environ un facteur 10 tous les 10 km), le freinage atmosphérique devient maximal autour de 25-30 km d’altitude entraînant la désintégration de l’objet.

Les données sismiques seront à traiter dans les prochaines semaines. Elles permettront de quantifier l’énergie libérée au moment de la fragmentation à l’origine de l’onde de choc.

Distribution des sismographes du réseau RESIF-RLBP dans la région. Crédit : J. Vergne@EOST-ITES

Enregistrement des sismographes du réseau RESIF-RLBP, on remarque le décalage temporel entre les détections : il provient de la vitesse de propagation de l’onde de choc qui est celle du son (~300 m/s), les sismographes étant situés à différentes distances de l’épicentre de l’événement. Crédit : J. Vergne@EOST-ITES

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Ajustement d’un modèle de propagation de l’onde de choc en fonction de la distance au bolide (ligne bleue). L’axe horizontal donne la distance de la station en km par rapport à la trajectoire du bolide, l’axe vertical donne le temps à partir de l’apparition du bolide. Le signal a été détecté par la station VALM (près de la zone de la fragmentation) dès 14 secondes alors qu’il a mis 3 minutes pour atteindre la plus éloignée. Crédit : J. Vergne@EOST-ITES

 

 

Recherche de météorites ?

Organiser ou non des recherches de météorites sur le terrain dans le cadre du programme de sciences participatives Vigie-Ciel ? Trop tôt pour le dire 24h après l’observation de l’événement mais pour maximiser les chances de découvertes, nous invitons les habitants de la zone de chute (entre Dieppe et Doudeville) à être attentifs aux roches environnantes pour repérer les éventuelles météorites.

Si vous pensez avoir trouvé une météorite, n’oubliez pas de noter les coordonnées de la trouvaille, de prendre en photo l’objet et le manipuler avec précaution, de préférence avec des gants ou un sac en plastique propre. N’approchez pas d’aimants, au risque d’altérer les propriétés magnétiques de l’objet et contactez nous sur vigie-ciel@mnhn.fr

Échantillon de la météorite de Mocs. Crédit : Le Règne Minéral, photo L.-D.Bayle

Pour vous aider à reconnaitre les météorites, voici un récapitulatif des critères morphologiques importants :
– Une fine pellicule noire recouvre la surface d’une météorite juste après sa chute : il s’agit de la croûte de fusion, témoin de sa traversée de l’atmosphère ;
– Lorsque cette croûte est cassée et l’intérieur de la météorite est visible, il est toujours différent de la surface, souvent plus clair ;
– La pierre présente des faces planes faisant entre-elles des angles marqués : elle résulte de la fragmentation d’un objet plus gros ;
– La surface de la pierre a souvent été lissée par la traversée de l’atmosphère et ses arêtes sont alors émoussées ;
– La plupart des météorites contiennent du métal, qui peut constituer l’essentiel de la roche (rare) ou bien plutôt se manifester sous forme de petits grains brillants (qui peuvent rouiller très légèrement et tacher la roche de marron).

 

La liste des relais FRIPON/Vigie-Ciel qui participeront aux recherches de météorites sera mise à jour régulièrement ici.

N’hésitez pas à consulter cet article régulièrement pour accéder aux MAJ.