Météorite du 10 septembre : 4 jours après la chute, les mesures par spectrométrie gamma sont déjà en cours !

15 septembre 2023 Non Par Brigitte ZANDA

 

Le fragment de 300g de la météorite tombée dans le Cher le 10 septembre qui avait été confié au Muséum national d’Histoire naturelle pour analyse est depuis le 14 septembre dans l’un des spectromètres gamma (Figure 1) du Département de Physique Nucléaire et de Biophysique de l’Université Comenius (Bratislava, Slovaquie). L’équipe de l’Université Comenius est l’une des premières au monde ayant mis au point ce type de mesures dans les météorites et a une expérience de plus de trente ans dans leur interprétation.

 

 

Figure 1 : La météorite dans le spectromètre gamma, juste avant le début des mesures ! Ce dispositif aux parois en plomb très épaisses permet de détecter les rayons gamma émis par la météorite en quantités très faibles tout en stoppant les radiations naturelles ambiantes plus importantes.

 

 

 

Ces analyses ont pour objectif de mesurer les concentrations de certains noyaux radioactifs en détectant leurs désintégrations. En effet, de tels noyaux se désintègrent en émettant des photons de haute énergie (dits gamma) dont la longueur d’onde est caractéristique et qui peuvent être détectés. Or, le nombre de désintégrations par unité de temps (donc le nombre de gamma émis) est proportionnel à la concentration du noyau qui se désintègre. En mesurant les rayons gamma émis par la météorite, on peut donc déterminer les concentrations de certains éléments radioactifs.

 

Les noyaux qui nous intéressent sont ceux qui sont très instables c’est à dire, typiquement, ceux dont la concentration diminue d’un facteur deux en quelques jours à quelques années, une véritable course contre la montre ! De tels noyaux sont présents dans la météorite parce qu’ils y ont été « fabriqués » par les rayons cosmiques (des protons et autres particules de très haute énergie) qui irradiaient l’astéroïde qui la contenait tout au long de son voyage interplanétaire. Ces particules réagissent avec la matière en « cassant » des noyaux atomiques et en y produisant ainsi des noyaux plus petits. On appelle ces réactions nucléaires des réactions de spallation. Parmi les noyaux ainsi produits, certains sont radioactifs et ils vont se désintégrer, à tout moment de manière proportionnelle à leur concentration. Au bout d’un certain temps, un équilibre finit par s’établir pour les noyaux très instables : le nombre de désintégrations devient égal au nombre de productions par spallation. L’abondance d’un tel noyau ne dépend plus de la durée de l’irradiation, mais seulement de la dose de radiation qui pénètre jusqu’à l’échantillon, c’est à dire de sa position initiale dans l’astéroïde et de la taille de l’astéroïde. On comprend bien (Figure 2) que plus la future météorite était proche de la surface de l’astéroïde, plus la dose reçue à tout moment a été importante. En revanche, à profondeur égale, la dose reçue était moins importante si l’astéroïde était plus gros, car les rayons provenant de l’autre côté de l’astéroïde étaient arrêtés par l’épaisseur de matière qu’ils avaient à traverser.

 

Figure 2 : Trois conditions différentes d’irradiation d’une météorite par les rayons cosmiques dans l’espace interplanétaire.

 

 

 

Mesurer dans une météorite l’abondance des noyaux radioactifs très instables qui y ont été produits par le rayonnement cosmique pendant son voyage interplanétaire à l’intérieur de l’astéroïde permet donc d’évaluer la taille de ce dernier avant son entrée dans l’atmosphère et de mieux comprendre comment il s’est fragmenté, ce qui est également très utile pour la modélisation du vol sombre.

 

Notons que les réactions de spallation induites par les rayons cosmiques produisent également des noyaux stables. Ceux-ci sont difficile à mesurer car ils sont « noyés » dans la masse des noyaux de même nature préexistants, sauf si ceux-ci étaient très peu abondants. C’est le cas des gaz rares. Ceux-ci sont peu abondants dans les roches et la quantité additionnelle produite par les rayons cosmiques devient significative. On peut donc la mesurer. Comme ces noyaux sont stables, ils s’accumulent dans le temps. Leur abondance dans la météorite dépend donc non seulement des conditions dans lesquelles elle a été irradiée (ce qui peut être déterminé à partir des noyaux instables), mais aussi de la durée de l’irradiation. Ajoutée à celle des noyaux instables, la mesure des gaz rares permet donc d’évaluer la durée du trajet interplanétaire de l’astéroïde à partir du moment où un impact l’a extrait de son corps parent. Bien entendu, les gaz rares seront également analysés dans la météorite du 10 septembre, mais comme ces derniers sont stables, il n’y a pas la même urgence à effectuer ces mesures !

 

Dans le cas présent la course contre la montre a débuté dès l’arrivée de la météorite sur Terre. La découverte très rapidement après sa chute et la remise d’un fragment pour analyses au MNHN a permis de commencer les mesures par spectrométrie gamma en un temps record (probablement même un record du monde !, une information à confirmer). Merci à Ludovic Ferrière (Musée d’Histoire naturelle de Vienne, Autriche) qui a sauté dans le premier avion pour pouvoir récupérer le fragment et l’acheminer au plus vite jusqu’à Bratislava en passant par Vienne où quelques observations ont été faites en route. Les paris sont lancés sur le type exact de météorite, une chondrite ordinaire de type H5 ?, les analyses à venir confirmeront (ou non)…

Articles précédents :

  • Bolide du 10 septembre : Lien
  • Histoire de la découverte de la météorite : Lien