Les étoiles filantes

5 août 2022 Non Par Asma STEINHAUSSER

Lorsqu’on pense à l’astronomie, on imagine souvent des passionnés, amateurs ou professionnels, l’œil collé à la lunette ou au télescope, s’affairant dans l’obscurité en branchant leur matériel à des caméras hypersensibles pour capter les infimes signaux lumineux d’astres dont la lumière a parfois mis des millions d’années pour arriver jusqu’à nos yeux.

Mais certains phénomènes célestes échappent à cette course à la technologie. Ils sont, au contraire, d’autant mieux observés qu’on les regarde à l’œil nu, soigneusement emmitouflés dans quelques couvertures chaudes, un bon thé/café/chocolat chaud à la main.
Cet événement qui rassemble, souvent le temps de quelques soirs d’été, tous les curieux du ciel, s’appelle une pluie d’étoile filantes, ces soirées où le ciel est littéralement rayé de multiples traits lumineux très rapides.

 

Pluie d’étoiles filantes dans la nuit du 13 au 14 décembre 2021 en Uruguay
Crédit : Fefo Bouvier

Mais qu’est-ce que c’est ?

L’origine du terme « étoile filante » remonte à la plus haute antiquité. Chez les Grecs, on pensait que les dieux, qui vivaient par-delà la grande sphère sombre à laquelle sont accrochées les étoiles (la « sphère des étoiles fixes »), soulevaient parfois la voûte céleste pour jeter un regard sur les humains.
Malheureusement, en déplaçant le ciel, les étoiles les moins bien accrochées tombaient sur Terre en filant à grande vitesse. (C’est d’ailleurs pour cela qu’il est de coutume de faire un vœu lorsqu’on voit une étoile filante. Parce que c’est, d’après la tradition, le moment où les dieux vous regardent et sont à l’écoute…).

Quelques millénaires plus tard, notre vision de ce magnifique phénomène céleste a sensiblement évolué. Les étoiles, on le sait aujourd’hui, sont des soleils, plus ou moins similaires au nôtre, et situés à d’immenses distances dans l’univers. Espérons, à l’instar des Grecs, qu’aucune étoile n’ait la folle idée de « filer » vers la Terre un jour 😉

Les étoiles filantes sont en réalité le résultat de la rentrée dans l’atmosphère terrestre de petits objets, souvent pas plus gros qu’un grain de sable, mais parfois, plus rarement, aussi gros qu’un petit rocher.

Le secret, pour obtenir une belle étoile filante, est sa vitesse : plusieurs dizaines de kilomètres PAR SECONDE ! Lorsque ce corps entre dans les hautes couches de l’atmosphère à haute vitesse, la pression aérodynamique le chauffe à plus de 10 000 degrés, il va alors se créer une petite boule de plasma qui le rendra visible. Soumis à ces contraintes extrêmes (pression et température), notre petit corps inter-planétaire va se vaporiser en un temps très court. Il ne restera de tout cela qu’une traînée de gaz ionisé faiblement lumineuse, parfois observable plusieurs minutes après l’évènement (qu’on appelle une traînée persistente).

La luminosité de ce phénomène dépendra, nous l’avons dit, de la taille du météoroïde (voir Lexique) et de sa vitesse. Sa couleur, elle, dépendra de la nature chimique du petit corps incident, et des gaz dans lequel il va s’échauffer. Souvent blanchâtres, les étoiles filantes pourront parfois revêtir une couleur orangée (si le météoroïde est riche en sodium), bleu-vert (magnésium), jaune (fer) ou violet (calcium). Les météores lumineux ont souvent une couleur verte due à l’oxygène atmosphérique.

 

Météore brillant (et coloré) observé le 12 août 2021
Crédit : Miguel Claro

D’où viennent ces poussières ?

Elle viennent d’un autre type de corps céleste observés eux aussi depuis des millénaires par l’humanité : les comètes.

Les comètes sont des résidus du Système solaire primitif et sont composées d’un assemblage  de poussières primordiales (celles qui ont conduit à la formation des planètes) liées par une gangue de glace (composée de plusieurs éléments volatiles gelés : eau, ammoniac, monoxyde de carbone…).

Lorsque cette « boule de neige sale » s’approche du Soleil,

1) la glace va se sublimer, passant directement de l’état solide a l’état de gaz, ce qui va

2) relâcher aussi de grandes quantités de poussières. Voilà l’origine des deux « queues » cométaires que l’on observe souvent (voir ci-dessous).

Comète Hale Bopp observée en 1997   Crédit : Jerry Lodriguss

Les morceaux de matière relâchés par la comète vont rester le long de l’orbite de la comète et constituer un réservoir dans lequel la Terre, peut plonger tous les ans, augmentant parfois considérablement le nombre d’étoiles filantes visibles dans le ciel pendant quelques jours. Et comme ceci se passe toujours au même endroit sur l’orbite terrestre, cette pluie d’étoile filante aura lieu toujours au même moment de l’année.

Ainsi, c’est une quarantaine de tels essaims météoritiques qui émaillent l’année, les deux plus importants pouvant être observés aux alentours du 12-13 août (Perséides) et du 13-14 décembre (Géminides).

Comment caractériser une pluie d’étoiles filantes ?

Si vous avec déjà vu ce phénomène, vous avez peut-être déjà remarqué que tout au long de la nuit, les étoiles filantes semblent toutes provenir du même point du ciel.

Pluie d’étoiles filantes des Géminides prise le 14 décembre
Crédit : Wang Jin

Ce point  est appelé « radiant ». La constellation dans laquelle il se trouve (ci-dessus la constellation des Gémeaux) donnera son nom à la pluie d’étoiles filantes (ici les « Géminides »).

De notre point de vue, il semble que tous ces météores se ruent vers nous, alors qu’en réalité, ce phénomène est un effet de perspective dû au mouvement de la Terre sur son orbite qui traverse ce nuages de grains de poussière interplanétaires.

Attention, toutes les pluies d’étoiles filantes ne sont pas aussi riches en météores les unes que les autres. Pour quantifier leur intensité, on les caractérise par un chiffre : le ZHR (Zenithal Hourly Rate ou Taux Horaire Zénithal en français) qui donne la valeur maximale du nombre d’étoiles filantes qu’un observateur pourrait voir en une heure si le radiant se trouvait au zénith (au point le plus élevé du ciel, juste au-dessus de la tête de l’observateur) sous un ciel parfaitement transparent.

Par exemple, les deux pluies d’étoiles filantes les plus importantes sont les Perséides (aux alentours du 12 août) et les Géminides (aux alentours du 13 décembre) avec un ZHR supérieur à 100 (ce qui signifie que dans des conditions idéales, on pourrait voir plus de 100 étoiles filantes par heure dans le ciel).

Ces deux-ci sont bien sûr les plus impressionnantes. Beaucoup d’autres pluies météoriques ne dépassent pas un ZHR de 3 ou 4…

Intérêt pour la science ?

Est-il encore intéressant pour les scientifiques d’observer les pluies d’étoiles filantes ?

Oui, bien sûr. Les récents désaccords entre les relevés automatiques d’étoiles filantes (faits avec des caméras automatiques tournées vers le ciel) et les observations visuelles nécessitent de nouveaux comptages fait par des personnes qui accepteraient d’allier l’utile à l’agréable en comptabilisant précisément les météores observés au cours d’une pluie d’étoile filante importante.

Si cela vous intéresse, n’hésitez pas à en lire plus sur dans l’article rédigé à ce sujet dans l’Astronomie magazine Participer à la recherche scientifique en observant les étoiles filantes et dans les vidéos d’explications mises en ligne par le programme FRIPON/Vigie-Ciel (Observatoire de paris – Muséum national d’histoire naturelle) et la Société Astronomique de France ICI.

Le protocole d’observation rigoureux peut se télécharger ICI.
Lexique

Astéroïde : Gros corps rocheux ou métallique orbitant autour du Soleil. La taille d’un astéroïde varie de quelques mètres à plusieurs centaines de kilomètres.

Météoroïde : Petit corps solide se déplaçant dans l’espace interplanétaire, plus petit qu’un astéroïde. La taille d’un météoroïde varie de quelques dizaines de centimètres à quelques microns.

Étoile filante : Phénomène lumineux provoqué par l’entrée à haute vitesse d’un météoroïde dans l’atmosphère. Synonyme : météore

Bolide : Idem que l’étoile filante, mais provoqué par un corps plus gros, donc plus lumineux.

Météorite : Fragment solide qui parvient jusqu’au sol une fois l’atmosphère traversée.

Radiant : Zone du ciel d’où semblent provenir toutes les étoiles filantes d’un même essaim météoritique.

ZHR : Valeur maximale du nombre d’étoiles filantes qu’un observateur pourrait voir en une heure si le radiant se trouvait au zénith (au point le plus élevé du ciel, juste au-dessus de la tête de l’observateur) sous un ciel parfaitement transparent.
Ce chiffre est donc un maximum qui, en conditions réelles, n’est jamais atteint.

Magnitude : Grandeur liée à la luminosité d’un astre.
A cause de la manière dont on la calcule, plus la luminosité d’un corps céleste est grande, plus la magnitude est petite. Elle peut même être négative.

Lorsque la magnitude est réduite de 1, la luminosité de l’objet est multipliée par 2,5.

Exemple de magnitudes :
Limite de l’œil humain : m= 6,5
Miram (constellation de Persée) : m= 3,75
Etoile polaire : m= 1.97
Mirfak (étoile la plus brillante de Persée) : m= 1.75
Sirius (étoile la plus brillante du ciel nocturne) : m= -1,44
Jupiter : m= -2,3
Vénus : m= -4,6
Pleine Lune : m= -12,7
Le Soleil : m= -26.7