Observez les poussières de comète de Halley début mai !

2 mai 2021 Non Par Karl Antier

Plus que 40 années à attendre avant le retour de la célèbre comète de Halley : nous serons bientôt plus proches de son futur périhélie, que de celui passé (en 1986, et précédemment en 1910, Figure 1). Les plus impatients peuvent toutefois patienter en ce contentant de miettes de la comète : le nuage de poussières qu’elle libèrent à chacun de ses passages au plus près du Soleil est traversé à deux reprises au cours de l’année, en mai et en octobre, donnant naissance à deux pluies d’étoiles filantes. Si les plus faciles à observer sont les Orionides, en automne, les plus actives sont les êta-Aquariides, dont le maximum d’activité est prévu le 6 mai. Moins bien placées depuis l’hémisphère Nord, elles ne doivent pas être négligées, car c’est la quatrième pluie régulière la plus active de l’année. Et un des seuls moyens de patienter en attendant 2061.

Figure 1- La comète 1P/Halley dans le ciel du Pic du Midi, lors du passage au périhélie de 1910. OMP

Êta-Aquariides, des météores pour observateurs matinaux ou tropicaux

Si la comète* est célèbre, les pluies météoriques* associées le sont beaucoup moins, comparées aux Perséides d’août, par exemple. Pourtant, avec un ZHR* oscillant entre 40 et 85 (voire plus, comme en 2013, où il atteignit 140), les êta-Aquariides sont une des pluies météoriques les plus actives de l’année. Mais comme sont nom l’évoque sans que cela soit très explicite (sauf pour les latinistes), la difficulté pour observer les êta-Aquariides vient de la position de son radiant* dans le ciel : ce dernier est localisé dans la constellation du Verseau (Aquarius en latin, Figure 2). Or, le nombre d’étoiles filantes d’une pluie météorique donnée sera d’autant plus important que son radiant sera haut dans le ciel. Or, dans le cas des êta-Aquariides, ce dernier se lève très tardivement début mai, et même lorsque le le crépuscule pointe le bout de son nez, il est encore très bas sur l’horizon. Conclusion : les êta-Aquariides sont des météores* pour les lève-tôt, puisqu’ils sont impossibles à observer avant 03h30 (environ) !

Figure 2- Position du radiant des êta-Aquariides, du 20 avril au 25 mai. Le nom de cette pluie de météores est associé à la constellation du Verseau, qu’elle traverse au début de sa période d’activité, avant de passer dans les Poissons à partir du 15 mai. Crédit image : International Meteor Organization

La pluie météorique est active pendant plus d’un mois, du 19 avril au 28 mai, mais vues les conditions d’observation évoquées ci-dessus, il faut attendre que le ZHR soit suffisamment important pour qu’elle puisse être observable de manière raisonnée depuis les latitudes européennes. C’est le cas dans les nuits entourant le 6 mai, puisque le maximum est prévu à cette date, vers 3h TU par l’IMO (International Meteor Organization) et que les taux d’activité restent généralement élevés (ZHR > 30) sur la période s’étendant du 3 au 10 mai.

Une Lune relativement discrète…

Comme l’année dernière (Figures 3 et 4), il faudra faire avec la Lune pour profiter des poussières de Halley cette année. Avec un large avantage cependant, puisque dans la nuit du 5 au 6 mai 2021, la Lune aura passé son Dernier Quartier depuis près de trois nuits, donc elle se lèvera tardivement, ne sera pas très haute au-dessus de l’horizon, et sa fraction éclairée sera inférieure à la Pleine Lune de 2020. Cependant, si le ZHR des êta-Aquariides est généralement compris entre 40 et 85, le nombre d’entre elles réellement observables sous nos latitudes en une heure sera bien inférieur à ce chiffre. L’idéal pour optimiser votre collecte de ces météores* est d’observer sur l’heure précédent l’aube, lorsque le radiant aura tout juste atteint une élévation utile, et que le fond de ciel sera encore suffisamment noir pour ne pas gommer les météores les moins lumineux. Lors de la nuit du 5 au 6 mai, en dirigeant son regard vers le Triangle d’Été (composé des étoiles Véga, Deneb et Altaïr) et en restant concentré sous un bon ciel (dégagé et pour lequel la pollution lumineuse est limitée), un observateur peut espérer détecter une dizaine d’êta-Aquariides dans l’heure précédent le crépuscule.

 

Figure 3 et 4- êta-Aquariides observées en 2020 par la station d’Hochfelden (figure de gauche) de la Brasserie Meteor (2020-05-08 2h22m UTC) et celle des Angles (figure de droite) du Parc du Cosmos  (2020-05-07 3h21m UTC). La vitesse d’entrée atmosphérique rapide (65 km/s) et une matière cométaire friable produisent dans les deux cas une désintégration lumineuse en fin de trajectoire. Crédit: Fripon/Vigie-Ciel

…et de longues étoiles filantes rasantes à prévoir.

Mais ces météores, même en nombre limité, peuvent être impressionnants : à leur luminosité parfois forte s’ajoute une grande vitesse apparente, puisque les météoroïdes*, ces poussières échappées du noyau de la comète* 1P/Halley depuis des centaines, voire des milliers d’années, rentrent dans notre atmosphère à des vitesses d’environ 66 km/s, soit près de 240 000 km/h ! Qui plus est, le radiant étant bas sur l’horizon, certaines poussières vont arriver avec de faibles angles d’incidence, comme s’il rasaient l’atmosphère terrestre : ces météores rasants (earthgrazers in English) sont particulièrement spectaculaires car ils semblent traverser une immense portion du ciel, ce qui met parfois en valeur d’intenses variations de luminosité.

Autant de bonnes raisons d’attendre le retour de la comète de Halley en guettant les étoiles filantes…

Sources et liens

  • IMO (International Meteor Organization) : Viewing the êta-Aquariids in 2021, par Robert Lunsford (à paraître très prochainement sur le site de l’IMO)
  • 2021 IMO Meteor Shower Calendar, par Jürgen Rendtel

Lexique

  • une pluie d’étoiles filantes est l’ensemble des météores associés à un nuage de météoroïdes issus d’une même source (comète ou astéroïde)
  • une comète est un objet constitué de roches et de glaces généralement localisé aux confins du Système solaire, mais qui peut se rapprocher périodiquement du Soleil. En s’en rapprochant, les glaces de la surface du noyau se subliment, entraînant avec elles les poussières qu’elles contiennent. Ce qui donne naissance aux queues de gaz et de poussières caractéristiques de ces objets.
  • un météore (ou étoile filante) est le trait lumineux observé lorsqu’une poussière interplanétaire ou un petit météoroïde pénètre dans l’atmosphère terrestre à très grande vitesse (entre 12 et 72 km/s)
  • un météoroïde est une petite particule de quelques millimètres à quelques dizaines de centimètres de diamètre qui se déplace dans l’espace. C’est elle qui donne naissance au météore si elle a la chance de pénétrer dans l’atmosphère de la Terre. Si le météoroïde est suffisamment massif, une partie de l’objet peut résister à cette entrée dans l’atmosphère, et donner naissance à une météorite.
  • une météorite est le caillou rocheux ou métallique qui est retrouvé sur terre, lorsqu’une partie d’un météoroïde suffisamment massif a réussi à traverser l’atmosphère et arriver au sol.
  • le radiant d’une pluie d’étoiles filantes est le point de la voûte céleste d’où semble provenir, par effet de perspective, les météores issus d’une même pluie.
  • le ZHR (Zenithal Hourly Rate, ou Taux Horaire Zénithal) est le nombre de météores que pourrait observer un individu dans des conditions d’observations parfaites : ciel bien noir et radiant localisé au zénith.