Une Lune omniprésente pour les Géminides 2024

4 décembre 2024 Non Par Karl Antier

Si les conditions d’observations des Géminides étaient parfaites l’année dernière, ce ne sera malheureusement pas le cas cette année ! Pourtant, cette pluie météorique hivernale a des taux d’activité très élevés, puisque son ZHR maximum, d’environ 150, est supérieur à celui des célèbres Perséides (en août) et des moins-célèbres mais tout-autant actives Quadrantides (en janvier). Quel facteur peut donc laisser augurer un cru médiocre de Géminides en 2024 ? La Lune… Notre satellite, qui joue un rôle de lampadaire céleste, gommant du ciel les étoiles (et donc les météores) les moins lumineuses. Cette année, elle sera pleine le 15 décembre, c’est-à-dire la nuit suivant le maximum de cette intense pluie d’étoiles filantes. Autant dire qu’on peut difficilement envisager pire. Toutefois, vus les niveaux d’activité, il serait dommage et même inconscient de ne pas essayer de grapiller quelques miettes d’astéroïde et faire quelques vœux en cette période de l’Avent !

Géminides : une pluie météorique stable et active

Figure 1- L’astéroïde (3 200) Phaéton observé en radar par Arecibo, lors de son dernier passage au périhélie, en décembre 2017. Crédit: Arecibo/NASA/NSF

Les Géminides sont plutôt méconnues du grand public, mais ce manque d’information est quasi-exclusivement lié à leur période d’activité hivernale, qui s’étend du 4 au 20 décembre, et qui a tendance à effrayer les plus frileux ! Car sur le papier, c’est bel et bien la plus active et la plus régulière des pluies d’étoiles filantes*, associée au nuage de poussières brusquement libérées par la comète* inactive (3 200) Phaéton (Figure 1) lors d’un dégazage fatal suite à une modification d’orbite il y a environ 2 000 années (Figure 2). Avec un ZHR* proche de 140-150 en ce moment lors du maximum, elle surpasse sans souci les Quadrantides (ZHR maximum compris entre 90 et 120, mais de 40 à 70 seulement entre 2022 et 2024) et même les Perséides (ZHR d’environ 70-75 cette année lors du pic principal). De plus, son ZHR varie très peu d’une année sur l’autre, ce qui n’est pas le cas des deux pluies citées précédemment, pour lesquelles le ZHR peut parfois doubler lors de deux années successives (ce fut notamment le cas entre 2023 et 2024 pour les Quadrantides, qui ont vu leur ZHR « bondir » de 40 à plus de 70)..

Figure 2- Nuages de météoroïdes donnant naissance à la pluie des Géminides. Crédit: MeteorShowers.org

(3 200) Phaéton, une source inhabituelle de météoroïdes

Une des spécificités des Géminides, outre leur forte activité, tient à leur origine. La plupart des pluies d’étoiles filantes voient leur source dans une comète, dont l’activité à l’approche du Soleil (et donc de la Terre) se manifeste par une forte libération de gaz et de poussières (les météoroïdes). Dans le cas des Géminides, le corps à l’origine de la pluie est l’astéroïde géocroiseur de type Apollo (3200) Phaéton. Cet objet de 5 km de diamètre a été découvert en 1983 ; bien que classé comme un astéroïde, il a des périodes d’activité irrégulières le rapprochant d’une comète (Jewitt et al, 2019). L’origine de Phaéthon est encore très discutée, il est possible que ce soit un objet cométaire provenant du Système solaire externe dont l’orbite aurait évolué vers celle d’un astéroïde suite à un rapprochement avec la Terre ou Vénus (Ryabova, G 2019) . Cependant plusieurs études suggèrent une origine astéroïdale liée par exemple à Pallas (De León et al 2010) ou à (155140) 2005 UD (Devogèle, M et al 2019). Les modèles dynamiques actuels (Ryabova, G 2019) suggèrent que les Géminides proviennent d’une éjection massive de matière il y a 2 000 ans suite à une collision ou un effondrement d’une partie de Phaéton. Cette éjection ancienne produit cette belle pluie d’étoiles filantes très régulière d’une année à l’autre.

Une Géminide toutes les deux minutes en moyenne dans la nuit du 13 au 14 décembre

La pluie de météores des Géminides est une des plus faciles à observer ! Si le grand public à tendance à observer les Perséides en soirée, vacances obligent, ces dernières sont bien plus nombreuses en fin de nuit. De même pour les Quadrantides, qui ne sont observables dans de bonnes conditions qu’en fin de nuit. Le radiant* des Géminides, localisé, comme son nom l’indique, dans la constellation des Gémeaux, tout près de l’étoile Castor (alpha Gem), se lève en début de nuit (Figure 3). Les Géminides sont donc observables toute la nuit, et seront au mieux placées vers 2h (heure locale), lorsque le radiant culminera à près de 70° de hauteur.

Figure 3- Position du radiant des Géminides, du 5 au 20 décembre. Le nom de cette pluie de météores est associé à la constellation des Gémeaux, dans laquelle elle est localisée. Crédit image : International Meteor Organization

Cette année, le maximum est prévu le 14 décembre, vers 01h TU : l’horaire est donc idéal pour les observateurs métropolitains, puisque cela correspond quasiment à l’heure à laquelle le radiant culmine depuis l’Ouest de l’Europe ! C’est donc dans la nuit du 13 au 14 que les taux horaires devraient être maximum. Mais il ne faut pas oublier qu’au même moment, culminera un autre objet céleste, alors localisé dans la constellation voisine du Taureau, à quelques degrés seulement du célèbre amas ouvert des Pléiades (M45) : la Lune, dont 97% de la face tournée vers la Terre sera éclairée par le Soleil… Et qui va éclairer le ciel et l’environnement nocturne comme un réverbère naturel, créant cette douce lueur, mais qui va rendre impossible l’observation des étoiles filantes les moins lumineuses… qui sont également les plus nombreuses !

Il est cependant possible de limiter les nuisances sélènes en respectant (ou en essayant de respecter) quelques conseils :

  • observez sous le ciel le plus transparent possible : le moindre voile nuage, les moindres aérosol, ou la moindre humidité atmosphériques vont diffuser la lumière de la Lune, créant cette impression de voile lumineux qu’on observe parfois par les nuits où notre satellite naturel est levé. En fonction de l’état du ciel, la chute de magnitude limite peut être de plusieurs magnitudes, ou quasi-insensible ! Certains observateurs confirmés ont ainsi enregistré des magnitudes limite de +5.9 à +6.2 alors que la Lune était levée, dans des conditions atmosphériques parfaites. Cela peut vite tomber à +4, voire pire dans d’autres environnements moins favorables…
  • protégez-vous de la lumière directe de la Lune en la masquant avec un relief ou un bâtiment. Si ça n’est pas possible, utilisez un paravent, ou même une casquette : l’observation sera beaucoup plus confortable et bien moins fatigante.
  • dirigez votre regard vers des zones du ciel les plus éloignées possibles de la Lune, donc plutôt vers le Nord. La région localisée entre la queue de la Petite Ourse et la tête de la Grande Ourse est particulièrement favorable et bien placée pendant une grande partie de la nuit.
  • observez plutôt avant le pic (dans les nuits du 12 au 13, ou du 13 au 14) que les nuits suivantes (du 14 au 15) : les météoroïdes issus de (3 200)Phaéton se sont dispersés sur l’orbite de l’astéroïde et se sont répartis en fonction de leur masse. Or, il se trouve que les plus grosses poussières sont croisée avant le pic, et les plus fines après. Ce qui a une influence directe sur la luminosité des météores : ces derniers sont plus brillants avant le pic qu’après, et ils s’extirpent donc plus facilement des lueurs sélènes dans les nuits pré-maximum.

Outre la Lune, les autres paramètres qui peuvent donc jouer sur votre récolte de Géminides seront votre état physique (fatigue, froid, voir les conseils ci-dessous), mais également l’état de pollution du ciel (au cas où la Lune ne serait pas suffisante) ! Plus vous serez éloignés de lumières artificielles, et plus votre ciel sera noir, plus vous observerez de Géminides. La météo sera également une donnée importante, car en hiver, elle peut être plus ou moins favorable, au gré des anticyclones et des dépressions. Dans de bonnes conditions météo et sous un bon ciel, vous pourrez observez jusqu’à 30 à 40 Géminides par heure lorsque le radiant est au plus haut dans le ciel (vers 2h locales), soit une en moyenne toutes les deux minutes !

Conseils pour observer les étoiles filantes des Géminides

Mais pour cela, les précautions d’usage seront de mise !

  1. Observer loin des villes, des sources artificielles de lumière, afin de réduire au maximum la pollution lumineuse, et sous un  ciel le plus pur possible pour limiter la diffusion de la lumière lunaire.
  2. Se couvrir ! La nuit, en hiver, les températures sont frigorifiques. Et si le froid vous envahit, vous serez plus concentrés sur vos doigts de pieds congelés et votre lit chaud que sur les étoiles filantes. Couvrez-vous comme si vous alliez aux sports d’hiver. Et ne vous inquiétez pas pour votre style, la nuit, personne ne vous verra !
  3. S’installer confortablement. La position idéale pour observer les Géminides, c’est d’être allongé. Une chaise-longue et un oreiller sont un excellent investissement pour cela !
  4. Rester concentré : tous les météores ne sont pas très brillants. La majorité sont même peu lumineux. Il faut donc rester très concentré sur le ciel pour espérer les détecter en nombre,
  5. Bien diriger son regard. Même si les Géminides, comme leur nom l’indique, semblent provenir de la constellation des Gémeaux, elles peuvent en réalité apparaître partout dans le ciel. Cette information, combinée à la présence et localisation proche de la quasi-pleine Lune, font que l’idéal sera de centrer son regard la région entre les deux Ourses (la Petite et la Grande), où passe le dos du Dragon.
  6. Essayer de trouver une zone non-couverte par les nuages. Seules les prévisions à venir pourront nous aider à y voir plus clair…

Bonne chasse aux poussières d’astéroïdes !

Sources

Lexique

  • une pluie d’étoiles filantes est l’ensemble des météores associés à un nuage de météoroïdes issus d’une même source (comète ou astéroïde)
  • une comète est un objet constitué de roches et de glaces généralement localisé aux confins du Système solaire, mais qui peut se rapprocher périodiquement du Soleil. En s’en rapprochant, les glaces de la surface du noyau se subliment, entraînant avec elles les poussières qu’elles contiennent. Ce qui donne naissance aux queues de gaz et de poussières caractéristiques de ces objets.
  • un météore (ou étoile filante) est le trait lumineux observé lorsqu’une poussière interplanétaire ou un petit météoroïde pénètre dans l’atmosphère terrestre à très grande vitesse (entre 12 et 72 km/s)
  • un météoroïde est une petite particule de quelques millimètres à quelques dizaines de centimètres de diamètre qui se déplace dans l’espace. C’est elle qui donne naissance au météore si elle a la chance de pénétrer dans l’atmosphère de la Terre. Si le météoroïde est suffisamment massif, une partie de l’objet peut résister à cette entrée dans l’atmosphère, et donner naissance à une météorite.
  • une météorite est le caillou rocheux ou métallique qui est retrouvé sur terre, lorsqu’une partie d’un météoroïde suffisamment massif a réussi à traverser l’atmosphère et arriver au sol.
  • le radiant d’une pluie d’étoiles filantes est le point de la voûte céleste d’où semble provenir, par effet de perspective, les météores issus d’une même pluie.
  • le ZHR (Zenithal Hourly Rate, ou Taux Horaire Zénithal) est le nombre de météores que pourrait observer un individu dans des conditions d’observations parfaites : ciel bien noir et radiant localisé au zénith.