2024 BX1, astéroïde impacteur et météorites atypiques

31 janvier 2024 Non Par Karl Antier

Une découverte d’astéroïde quelques heures avant son entrée atmosphérique, puis la découverte de météorites quelques jours plus tard. Il y avait comme un air de déjà-vu dans les événements associés au petit astéroïde 2024 BX1 le week-end du 20-21 janvier et dans les jours qui ont suivi ! Ca ne vous dit rien ? Rafraîchissez-vous la mémoire… Revenez moins d’un an en arrière ! Nous sommes le 12 février 2023, et un message nous fait lever un sourcil en cette fin de soirée : un petit astéroïde d’environ 1 m de diamètre fraîchement découvert, Sar2667 sous son appellation provisoire, est sur une trajectoire de collision avec la Terre. Le temps de lancer quelques alertes, de se rendre compte que la fin de sa trajectoire est localisée au-dessus de la Normandie… 7 heures se passent, et un magnifique bolide est filmé, photographié et observé par des centaines de témoins, le 13 février 2023, à 02h 59min TU (Temps Universel). Des observations qui permettent de calculer précisément la trajectoire atmosphérique de l’objet, et de lancer au plus vite des recherches sur le terrain avec l’aide des volontaires présents sur place. Recherches qui aboutiront, le 15 février 2023, à la découverte de la première météorite associée à l’astéroïde 2023 CX1 : l’épopée des météorites de Saint-Pierre-le-Viger (des chondrites de type L5-6) ne faisait que commencer !

Un astéroïde découvert moins de 3 heures avant impact

Mais tout cela, c’était l’année dernière ! Cette année, on prend le même astronome hongrois, Krisztián Sárneczky (dont c’est la troisième découverte d’astéroïde impacteur après 2022 EB5 et 2023 CX1), le même observatoire GINOP KHK (K88, Piszkéstető, Hongrie), mais on change la date ! Car c’est le 20 janvier 2024, à 20h 48 min TU, qu’un petit astéroïde de dimensions comprises entre 0.8 et 1.4 m est découvert avec une probabilité de collision avec la Terre de 7%.

Branle-bas le combat dans 12 observatoires, et quelques observations complémentaires plus tard, le doute n’est plus permis : Sar2736, est en trajectoire de collision avec la Terre. Et pas à  n’importe quel endroit : quelques dizaines de kilomètres à l’Ouest de Berlin, mais moins de trois heures après sa découverte, puisque l’entrée atmosphérique est prévue à 00h 32min TU ! Les alertes fonctionnent bien, et les observatoires, universités, associations vérifient que leurs caméras fonctionnent et se mettent en ordre de marche pour essayer de filmer le phénomène sous toutes ses coutures.

Figure 1- This is the last image of 2024 BX1 as an asteroid. It was pictured during 20 seconds on january 21st, 00h25min UT, while it was entering the Earth shadow. It would appear 7 minutes later above Germany, but as a bright fireball! Credit: Luca Buzzi and Gianni Galli
Figure 1- Dernière image de l’astéroïde 2024 BX1 sous forme d’astéroïde. Cette image prise sur une durée de 20 secondes le montre en train de pénétrer dans l’ombre de la Terre, le 21 janvier 2024, à 00h 25min TU. Il allait réapparaître à l’Ouest de Berlin 7 minutes après, mais sous forme de bolide! Crédit: Luca Buzzi and Gianni Galli

Un bolide très lumineux à l’Ouest de Berlin

Et ça marche ! L’astéroïde 2024 BX1 entre dans l’atmosphère à l’heure prédite, 00h 32min 39sec TU, atteignant des luminosités supérieures à celles de la Pleine Lune. Une folle nuit pour ceux qui ont tout suivi ! Il est observé par des dizaines de personnes (Evénement #423-2024), enregistré par des dizaines de caméras de différents réseaux, notamment une du réseau Fripon-Germany localisée à Ketzür (Figure 3), qui, combinée aux enregistrements du réseau AllSky7 (Figure 2 et vidéo ci-dessous), permettent d’avoir une première estimation de la trajectoire et des paramètres physiques de l’objet. Ce dernier est entré à une vitesse d’environ 15 km/s dans l’atmosphère, avec une trajectoire proche de la verticale, puisque son angle d’entrée était de 75° par rapport à l’horizontale. Il a été visible pendant environ 5 secondes au cours desquels il a été la source de multiples et intenses flashes lumineux, la vidéo acquise à la station de Ketzür enregistrant même un pic de luminosité inférieur à la magnitude -20 (Figure 4) !

Crédit vidéo: ALLSKY7/Sirko Molau – AMS16 Ketzür

Figure 2- Bolide associé à l’entrée atmosphérique de l’astéroïde 2024 BX1 enregistré par les caméras du réseau de surveillance AllSky7. Crédit: AllSky7

Figure 3- Bolide associé à l’entrée atmosphérique de l’astéroïde 2024 BX1 enregistré par la caméra de Ketzür du réseau Fripon-Germany. Crédit: Fripon-Germany

Figure 4- Magnitude (luminosité) du bolide du 21 janvier 2024, 00h 32min TU, associé à l’entrée atmosphérique de l’astéroïde 2024 BX1 en fonction de l’altitude. Crédit : Fripon-Germany

Premières recherches sur le terrain infructueuses…

Le jour-même de la chute, alors que la trajectoire, et donc la zone de chute, sont encore en cours de calculs et donc relativement imprécis, les premières équipes de recherche sont déjà sur le terrain, sous des températures frisant les -12°C, et des terrains couverts de neige, à la recherche d’un morceau d’une sombre croûte de fusion émergeant de la neige ou de la végétation. L’une d’elles est dirigée par le Museum d’Histoire Naturelle de Berlin (Museum für Naturkunde Berlin), accompagnée de partenaires (l’Université libre de Berlin et le Centre allemand pour l’aéronautique et l’astronautique). Les premières journées se passent, les calculs s’affinent, mais aucune météorite n’est retrouvée, malgré le nombre importants d’équipes (chercheurs et chasseurs de météorites) européennes présentes sur le terrain…

…jusqu’à la première découverte de ces météorites atypiques !

C’est le 25 janvier qu’une première équipe d’amateurs polonais annoncent avoir découvert une première météorite associée à l’entrée atmosphérique de l’astéroïde 2024 BX1 (Figure 5). Ô stupeur! Contrairement aux attentes, cette météorite fraîche est claire. La croûte de fusion n’est pas noire, mais quasi translucide et brillante (Figures 6 & 7), au point que certains émettent des doutes sur sa nature météoritique, et que même les premiers découvreurs attendirent des dizaines de minutes avant de conclure à la nature extraterrestre du caillou qu’ils venaient de découvrir. A partir de cette première trouvaille, des dizaines vont suivre aux alentours du village de Ribbeck (Brandebourg), jusqu’alors connu pour un poirier vanté dans un poème de Theodor Fontane, mais qui devrait l’être pour ces météorites !

Figure 5- L’équipe de Polonais ayant la première annoncé la découverte d’une météorite associée à l’astéroïde 2024 BX1. Crédit : Filip Samuel Nikodem (compte Fb)

Figure 6- Face externe de la première météorite retrouvée. Crédit : Filip Samuel Nikodem (compte Fb)

Figure 7- Face interne de la première météorite retrouvée. Crédit : Filip Samuel Nikodem (compte Fb)

Les météorites trouvées, dont les masses varient entre plusieurs centaines de grammes, à quelques grammes, sont toutes aussi claires, montrant des traces d’oxydation rapide dans certaines inclusions. Rapidement, les météoritologues ont écarté la thèse de chondrites classiques. D’après les premières analyses visuelles, il semblerait plutôt que les météorites en question soient de rares aubrites (achondrites à enstatite), ce que devraient confirmer les analyses en laboratoire. Notamment les deux petits fragments (de la taille d’une noix, Figures 8 à 11) retrouvés par l’équipe du Museum d’Histoire Naturelle de Berlin qui sont déjà partis pour analyses. La nature exceptionnelle de la roche pourrait bien expliquer l’aspect tout à fait particulier de sa croûte de fusion qui dépend directement de la nature chimique et minéralogique du matériau fondu.

Figure 8- Découverte d’une météorite par l’équipe menée par le Museum d’Histoire Naturelle de Berlin. Crédit : Cevin Dettlaff

Figure 9- Une des météorites découvertes par l’équipe menée par le Museum d’Histoire Naturelle de Berlin. Crédit : Cevin Dettlaff

Figure 10- Une des deux météorites découvertes par l’équipe (en arrière-plan) menée par le Museum d’Histoire Naturelle de Berlin et accompagnée de Peter Jenniskens. Crédit : Cevin Dettlaff

Figure 11- Une des deux météorites découvertes par l’équipe (en arrière-plan) menée par le Museum d’Histoire Naturelle de Berlin et accompagnée de Peter Jenniskens. Crédit : Cevin Dettlaff